Lady S, tome 1 : Na zdorovié, Shaniouchka !
de Jean Van Hamme (Scénario), Philippe Aymond (Dessin)

critiqué par Shelton, le 2 octobre 2005
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Moi, je prendrais bien une vodka, Shaniouchka !
On savait que Jean Van Hamme avait été un des plus grands scénaristes de la bande dessinée de la fin du vingtième siècle, mais depuis quelque temps, on entendait, ici ou là, des rumeurs, des commentaires, des analyses tendant à prouver que nous étions arrivés au moment fatidique de l’usure consommée du génial raconteur d’histoires… Les derniers albums de XIII semblaient nous confirmer cette tendance… Mais je vous le crie aujourd’hui : Non, le maître n’est pas mort, car il écrit encore et nous tient en haleine dans une nouvelle histoire, Lady S, titre de cette série…
Le voilà qui revient dans les librairies avec une histoire d’espionnage, mais pas l’espionnage de bas étage, pas celui des séries B des années cinquante, non, nous voilà dans une grande histoire mettant en jeu l’avenir du monde… Mais…
L’héroïne, Lady S, comme vous vous en doutez, est une jeune femme dont on va découvrir la vie au fur et à mesure des albums. Elle a un passé lourd, une vie mouvementée dès son plus jeune âge, elle a une collection de noms, de Shaniouchka à Suzan… Mais elle est surtout un mystère, surtout pour ceux qui l’aiment…
Cette première histoire va s’écrire et se dessiner sur deux albums, choix raisonnable, comme pour la série Largo Winch. Suzan Fitzroy est la fille adoptive et la collaboratrice principale du plénipotentiaire américain, James Fitzroy. Mais, tout en suivant une histoire de manipulation diplomatique assez classique, un dossier à récupérer dans le coffre de l’ambassadeur turc, nous allons découvrir Suzan… Sa petite enfance… Son adolescence assez spéciale… et encore une multitude de petits faits qui font que Suzan devient un personnage chaud, très bien construit, que l’on a envie d’accompagner pour une longue période…
Pour ceux qui connaissent le personnage de Largo Winch, on retrouve cet aspect de la jeunesse délicate, aux limites de la délinquance et de l’adolescence musclée, qui finit par prendre fin dans la société des dirigeants par l’opération du scénariste mais surtout par le don gratuit – enfin le gratuit existe-t-il ? – d’un grand de ce monde… Les ressemblances entre les deux séries sont assez nombreuses et ce ne sera pas pour déplaire aux amateurs de la première série… Finalement remplacer un héros par une femme, c’est peut-être même une bonne idée…
Le scénario est très solide et il nous plonge dans ce monde d’aujourd’hui où la mondialisation n’est pas seulement une question économique mais bien, aussi, politique, militaire, écologique, humaine… Et là, le Jean Van Hamme, ancien cadre d’une multinationale, sait de quoi il parle, il n’a qu’à se laisser aller à nous raconter… et nous nous laissons faire avec délectation…
« Officiellement, ce sommet de l’OTAN a pour objet l’intégration dans l’Alliance des nouveaux pays admis au sein de l’Union Européenne, mais vous savez comme moi que le vrai problème sera posé par la Turquie ».
Ah, la Turquie pose un problème, on nous aurait menti en nous disant que tout allait bien avec ce pays et son avenir dans la communauté européenne… Oui, Jean Van Hamme aime bien mettre le doigt où ça fait mal, même si l’histoire qu’il nous raconte est plus limitée et ne prétend pas donner une solution aux Européens…
La narration graphique de cette série est intéressante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, pour le grand nombre de retours dans le passé, des séquences amenées avec finesse, souvent quand Suzan rencontre des personnages, entend des noms ou des voix, des mots ou des accents, pense à des situations… Mais aussi, lors de certaines phases de l’histoire, par la rapidité d’enchaînement des vignettes, Suzan fuyant la police dans Paris, ou, au contraire, la lenteur de la scène, Suzan volant les bijoux d’Helen. Pour réaliser ce rythme de l’album, Jean Van Hamme s’appuie sur un grand dessinateur.
Philippe Aymond n’est pas le premier venu dans le monde de la bédé, mais il n’a pas encore la renommée qu’il mérite. Personnellement, je l’ai découvert dans Canal Choc, une série déjà ancienne, un travail collectif où il avait assuré l’encrage, du moins au départ, car à la fin de la série, il prenait le dessin entièrement à sa charge. Son talent naissant s’est confirmé dans la série Les 4X4, une série pour adolescents avec un scénario de Christin. Je me souviens de cette époque et nous attendions alors le jour où on pourrait le voir en bonne situation car Aymond est vraiment un dessinateur bédé de génie. Tout va alors arriver, ce n’est jamais assez vite quand on est dessinateur, mais somme toute très rapide quand on regarde les dates… 1992 pour le quatrième et dernier tome de Canal Choc, 1997-2000 pour Les 4X4, série à lire si vous ne connaissez pas encore… 2001 sera une grande année, sinon pour Philippe, au moins pour nous les lecteurs, avec le début de la série Apocalypse Mania, scénario de Bolée, une histoire aux limites entre science fiction, anticipation politique et fantastique… Du bonheur pur ! Il ne manquait plus que le travail avec un très grand comme Van Hamme – que tous ceux qui ont travaillé avec Aymond ne soient pas vexés, mais c’est vrai que Van Hamme est une légende vivante du scénario bédé – pour une série ambitieuse et de qualité.
Le graphisme de Philippe Aymond n’a pas changé, il s’est seulement, si on peut dire, affirmé, affiné, conformé… J’aime ses visages, en colère, alcoolisés, qui pleurent, qui souffrent, qui pensent, qui exigent, qui aiment…
Mais Lady S est-elle capable d’aimer ? Ce sera, probablement, la question qui va nous accompagner pendant de longues histoires, épisodes, albums… Elle est intelligente, brillante en société, rusée pour se sortir de tous les pièges, athlétique pour franchir de nombreux obstacles… mais que nous disent les auteurs de son cœur ? Rien, ce sera pour la prochaine fois… Alors, à suivre…
Du Jean Van Hamme pur et dur, sans surprise mais agréable 10 étoiles

J'aime cet auteur que j'ai découvert il y a maintenant fort longtemps avec la sortie du premier XIII, paru en exclusivité dans Spirou magazine.

Depuis, je marche à tous les coups : Largo Winch, Thorgal, etc...

Le scénario est bon, compliqué, mais ne perdant pas le fil, les dessins de l'associé de Van Hamme pour la série sont toujours nets, simples mais fouillés, finis et agréables à regarder.

Bref, j'ai découvert cette série dernièrement et adhéré... et j'attends avec impatience la suite.

Geparijo2 - - 60 ans - 26 avril 2009


Qui est Suzie? 9 étoiles

Jean Van Hamme n'est jamais aussi bon que quand il met en scène des personnages ambigus, nimbés de mystère comme XIII ou Lady S. Suzie est un mystère, qui est-elle? Héroïne? Aventurière dans le mauvais sens du terme? Voleuse? Un peu tout ça? Le récit est intrigant, on aimerait en savoir plus. La subtilité de l'auteur, c'est que dès qu'on croit avoir compris, il remet nos certitudes en question. Diabolique...

Le rat des champs - - 73 ans - 2 octobre 2005