Un état d'esprit
de Patrick Besson

critiqué par Kinbote, le 30 septembre 2005
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Autoportrait d'un dilettante
Depuis quelques années Patrick Besson dissémine des fragments de sa biographie chez plusieurs de ses éditeurs. Ce volume couvre une période allant de 1977 à la moitié des années 80.
Hormis l’écriture qu’il pratique à plein temps (et donc comme unique gagne-pain) et peut-être aussi l’amour, Patrick Besson a une vie vide, qu’il revendique comme telle car, pour lui, rien n’a de réalité, rien n’est probant, tout réclamerait plutôt des preuves d’existence et, ce qui l’anime, ce sont des rencontres, des gens plein de vitalité comme, par exemple, dans ce volume, Jean-Edern Hallier qu’il n’apprécie cependant pas comme écrivain.
Ce qui le rend sympathique, c’est son non amour des voyages et des sorties, son mépris de l’art et de la mythologie, sa presque impossibilité à acheter des vêtements, son inclination pour les femmes un peu dodues, son rapport au réel.
Il fait souvent montre d’un cynisme tempéré mais ne va jamais jusqu’à la méchanceté gratuite.
Sa conversion au communisme qui l’a fait soudain naître à la vie prête à sourire. D’autant que dans le même temps il écrit au Figaro et à L’Humanité. On comprend que c’est la fascination pour un monde qui va bientôt finir, l’odeur de mort qui monte du corps du communisme en décomposition qui attire cet homme qui ne se sent guère vivre.
Patrick Besson a le sens de la formule et celles-ci apparaissent régulièrement au fil de la lecture qui , sans ce viatique, nous plongerait dans l’ennui. Il est donc préférable de lire ses concentrés de biographie parus chez de petits éditeurs plutôt que les volumes qui paraissent chez des grands car, dans ceux-ci, les formules sont par trop délayées dans le corps un peu mou du récit.

Voici un florilège de ces formules, ce qui vous évitera d’acheter le livre (pardon Patrick Besson, pardon Amazon.fr)

Ce n’est pas l’âme russe que j’ai, c’est l’âme soviétique. Mon objectif majeur : passer à l’Est. Rendu bientôt impossible par la chute du communisme.

Ce qui me plaît dans la vie, c’est son côté rangement, remise en ordre. Comme écrire un livre.

Ca me plaît moins qu’avec Frédérique. Isabelle n’est pas assez dodue et pas du tout catholique. Avec elle, moins de substance et moins de transgression.

Dans une ville étrangère, pour se sentir chez soi, il ne faut rien visiter. Est-ce qu’à Paris nous visitons Paris ? Le mieux est de rester dans la chambre.

Tout le monde aime sortir. Sauf moi. Ce que j’aime, c’est rentrer.

On se souvient mieux des images que des paroles.

Faire un enfant, ce serait admettre que je suis dans la vie et la considérer comme une chose importante, ce qui me rendrait fou. Je ne supporte d’être que si je peux faire mine de ne pas être, car être, c’est être moi, et je me déteste. Un enfant me ramènerait à la réalité qui me tuerait, puisque tout en elle me paraît risible, pesant, odieux, stupide et atroce, notamment et principalement moi.

Les gens se forcent à être gais ; puis, quand ils sont soûls, ils sont gais, mais ils ne sont plus eux. La fête me gêne en ce qu’elle n’existe pas et j’ai besoin de choses qui existent parce que moi non plus je n’existe pas.

Je trouve que dans un journal un texte a l’air plus imprimé que dans un livre.

Est-ce que je dis toute la vérité ? Non, puisque je l’écris.

Cette fille ne m’excite que debout. Couchée, elle devient liquide.

Les hommes n’ont pas d’importance, ne servent qu’à passer un moment entre deux femmes.

Le miracle grec, c’est d’avoir réussi à faire passer pour un paradis estival le pays le plus âpre, le plus dur, le plus hostile, le plus impraticable des Balkans.

C’est ça que j’ai appris à l’armée : considérer mes visions hébétées et incertaines comme réelles, afin de pouvoir rester dans la société. Il faut que je reste dans la société. Seul, je tomberais, sans savoir où. Je mourrais. Il ne faut pas que je meure, car si je mourais, il se passerait quelque chose. Je devrais alors admettre qu’il y a quelque chose puisque cette chose se passe.

D’une manière générale, je ne pense rien de personne et suis choqué quand quelqu’un pense quelque chose de moi. Il faudrait d’abord nous prouver que nous existons, lui et moi.

Et, last but not least : « Le plus érotique chez quelqu’un, c’est ce qu’il ressent. Quand les gens ne ressentent rien, impossible d’avoir envie d’eux. »