La rivière sans repos
de Gabrielle Roy

critiqué par Cuné, le 29 septembre 2005
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Chez les Inuit
Boréal a réuni dans ce recueil 3 courtes nouvelles esquimaudes, suivies du roman en titre.
On se plonge donc dans la communauté des Inuit de l'Ungava, juste après la 2° guerre mondiale, au moment où le progrès vient bouleverser les habitudes ancestrales de ce peuple qui a bien du mal à s'y retrouver.
C'est un bonheur du premier au dernier mot !
On s'amuse comme des enfants avec Barnaby qui découvre les espiègleries à faire avec un téléphone, on constate l'inutilité totale du fauteuil roulant dans ces contrées, on partage la perplexité qu'amène les soins face à la maladie à un peuple habitué à accepter son sort.
Et surtout on rencontre Elsa, qui toute sa vie balancera entre les deux civilisations. Elle sait nous toucher profondément, c'est un magnifique personnage de mère qui se donne et reçoit bien peu en échange...
Un univers épatant, une écriture toujours juste et belle : le top.
La tragédie du destin des Esquimaux 10 étoiles

Ce recueil, contenant quatre brèves nouvelles, a été classé « roman » par l’éditeur. Au début, l’auteure use l’ironie pour parler de l’utilisation des appareils des Blancs, chez les Inuit. Dès le commencement, le ton est donné par l’hydravion pour transporter Deborah à l’hôpital. Des Inuit de Fort-Chimo, tout en surveillant le satellite dans le ciel, font des paris. Reviendrait-elle ou pas? Arrive le téléphone. Que devient cet instrument dans les mains des Inuit? Ne sachant pas entamer une conversation, ils en rient, disant que cet objet est vivant. C’est un jeu de cache-cache dit l’autre. Tu t’es, toi aussi, laissé attraper par le vendeur! Ils continuèrent à jouer au téléphone. Un jour, un colis a été livré par la voie des airs. Un grand fauteuil roulant a été envoyé par une société philanthropique à Isaac qui, à la suite d’un accident, avait été paralysé de la tête aux pieds. On le promène à travers son rude pays. Le sol cahoteux, même à petit train, le fauteuil tanguait. Nulle part il n’y avait de terrain propice, les roues tournaient mal. Lorsque Isaac put atteindre la roue avec sa main, il tourne vers le lac, sa bru l’attrape juste à temps. Toute tremblante de peur, mais contente de l’avoir sauvé. Elle le menaça sans méchanceté. "Il faut vivre maintenant".

À la mission catholique, on avait organisé deux séances par semaine de cinéma. Une pour les blancs et l’autre destinée aux Inuit. Elsa revenait du spectacle, quand le G.I. se précipite sur elle pour la violer, le premier moment de désarroi passé, elle croit revivre une de ces situations de rêve, tout était comme au cinéma, à peine vraisemblable. Les contacts avec le confort moderne sont aussi aliénants. Pour subvenir aux besoins de son bébé, Elsa a dû aller faire des ménages chez la femme du chef de police. Au retour, elle nettoyait sa hutte. Ce souci de propreté irrite son entourage. Cette idée saugrenue d’enfermer, son bébé d’un an, dans un parc, jamais famille esquimaude n’avait vu pareille atteinte à la liberté. Le goût du modernisme provoque un conflit de générations. La mère d’Elsa, mécontente, replace tout comme avant. Elsa ira habiter dans la cabane de son oncle Ian à qui elle finit par se donner. Quand un policier interviendra pour faire suivre, à l’enfant, l’enseignement obligatoire, Ian et Elsa s’enfuiront dans la toundra. Mais une forte fièvre de Jimmy les obligera à rebrousser chemin vers Fort-Chimo, vers la civilisation des Blancs.

Gabrielle Roy, qui décrit si bien le désarroi humain, nous fait compatir avec les héroïnes du roman, Déborah et Elsa. Auraient-elles dû demeurer dans leur communauté, ou suivre le progrès des Blancs?

Saumar - Montréal - 90 ans - 8 août 2010