Le châle de Cynthia Ozick

Le châle de Cynthia Ozick
( The shawl)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jlc, le 29 septembre 2005 (Inscrit le 6 décembre 2004, 80 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 288ème position).
Visites : 5 032  (depuis Novembre 2007)

Deuil impossible

En Pologne, à 70 km de distance, on peut voir un des chefs d'oeuvre du génie humain - Cracovie- et le comble de l'abomination - Auschwitz/Birkenau-. Comment est-il possible que les hommes soient capables tant du sublime que de l'horreur absolue?

Cynthia Ozick, dont on parle beaucoup actellement en France pour la sortie de son livre "Un monde vacillant", a écrit un livre admirable de retenue et d'amour "Le châle".

Une jeune polonaise, Rosa, et sa nièce Stella marchent vers un camp. Rosa porte avec elle un châle dans lequel elle cache sa fille,Magda. Dans le camp, toujours la même volonté de cacher l'enfant pour la protéger. Mais Stella a trop froid, elle vole le châle et Magda se retrouve seule sur la place du camp où un nazi va la jeter sur le mur d'enceinte électrifié. "On aurait dit un papillon touchant une vigne d'argent".

Quarante ans plus tard, Rosa "vit" dans une maison de retraite payée par Stella, en Floride, faux paradis matérialiste. Stella que Rosa surnomme l'ange de la mort, comme se nommaient les SS, je crois. Car Stella veut oublier et veut que Rosa oublie. Mais Rosa ne vit que par le châle qu'elle a pu garder, ce châle "au goût d'amande et de cannelle", l'odeur de Magda, Magda qui revit chaque fois que Rosa étreint ce vieux châle usé.

Rosa ne peut et surtout ne veut pas oublier. Rosa n'est pas une survivante comme le voudraient ceux qui cherchent à étudier ces rescapés comme on le ferait pour une espèce en voie de disparition, scientifiquement, froidement. Et Rosa ne veut pas non plus se mélanger aux autres pensionnaires. Elle est différente, elle est seule car on "lui a volé sa vie". Dés lors, on la dit folle car pour elle il n'y a pas d'après.

Franchement ce tout petit livre de moins de cent pages est tout à fait bouleversant et pudique car l'auteure ne s'attarde pas sur la description du camp, elle ne veut montrer que l'amour de Rosa.

Est-il possible de faire oeuvre d'art sur une telle horreur? Cynthia Ozick le démontre magistralement comme le font aussi ces dessins conservés à Birkenau, faits par des enfants comme Magda, des enfants qu'il ne faut pas oublier.

Enfin c'est simplement mon avis.

PS: A noter la remarquable présentation de Catherine David qui, plus encore que moi, vous donnera envie de lire et garder près de vous ce récit.

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Les éditions

  • Le châle [Texte imprimé] Cynthia Ozick traduit de l'anglais par Jean-Pierre Carasso présentation de Catherine David
    de Ozick, Cynthia Carasso, Jean-Pierre (Traducteur)
    Seuil / Points (Paris).
    ISBN : 9782020826556 ; 4,60 € ; 26/08/2005 ; 92 p. ; Poche
  • The shawl [Texte imprimé] Cynthia Ozick
    de Ozick, Cynthia
    Vintage
    ISBN : 9780679729266 ; 12,19 € ; 29/08/1990 ; 96 p. ; Paperback
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Les livres liés

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L’art de transcender le “storytelling”…

10 étoiles

Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 81 ans) - 5 octobre 2014

Ozick, auteur de fiction, dépeint clairement les effets de l’Holocauste sur une femme en particulier: Rosa Lublin. L’accumulation de deux courtes nouvelles sont utilisées à ces fins: «Le châle» d’abord, et «Rosa», ...que l’on retrouve quarante ans plus tard.
Rosa décrit ainsi la façon où la vie va ... "il y a la vie auparavant, la vie pendant et la vie après. Auparavant est un rêve. Après est une plaisanterie. Seulement pendant subsiste… On m’a dérobé ma vie!"

Au-delà l’horreur et la douleur inqualifiables de ces courts récits, lire Cynthia Ozick s’inscrit parmi les expériences littéraires ultimes, d’autant plus rares qu’elles sont privilégiées.
Cynthia Ozick tout comme Virginia Woolf fait partie des auteurs, parmi ceux que je connaisse, dont le style d’écriture transcende le “storytelling” littéraire aussi habile et efficace soit-il, et qui nous entraîne dans les méandres de la pensée abstraite de leurs sujets au moyen d’une formulation puissante, magique même au sens le plus pur de ce terme.

P.S. Lu en version originale américaine.

Un châle , un lange , un linceul !

10 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 58 ans) - 7 septembre 2011

Superbe critique de Jlc... rien à ajouter .
Ce court roman ( 90 pages ) est aussi efficace - mais dans un autre genre - que " Le joueur d'échecs " de S.ZWEIG.
La première partie est quasi insoutenable.Même l'usage de métaphores n'adoucit en rien l'Horreur .
A mon avis , 90 pages aussi percutantes que les " pavés" écrits sur l'Holocauste.

Une oeuvre incontournable , poignante , dérangeante qui vaut tous les grands discours et films sur la Shoah.

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