Douce compagnie
de Laura Restrepo

critiqué par Eireann 32, le 11 septembre 2005
(Lorient - 76 ans)


La note:  étoiles
Un ange passe, mais un doute plane ?
Choix dû au hasard à la médiathèque, la littérature colombienne étant absente de ma bibliothèque personnelle. Laura Restrepo est née à Bogota en 1950.
Une journaliste s’inquiète de sa destination pour son prochain reportage, elle craint le concours de Miss Colombie à Carthagène «et ses lombrics au sel et au poivre». Agréable surprise, son patron l’envoie enquêter sur l’apparition d’un «ange» à Galilée, un quartier déshérité de Bogota.
« Il était curieux qu’on refilât toujours des noms bibliques aux quartiers les plus déshérités -Belen, Siloé, Nazareth ».
Mettons fin à certaines idées : l’Ange a un sexe (la narratrice nous le confirme) ; il peut être malade en l’occurrence des crises d’épilepsie pendant lesquelles il parle flamand (Les voix du ciel sont impénétrables !)
L’église classique ne supportant pas la concurrence, il s’ensuit une mini-guerre de religion. Mais l’Ange disparaît de la circulation et le mythe prend forme.
«On commença à parler de lui en termes de moins en moins personnels et de plus en plus mythologiques, comme s’il s’agissait de Superman ou de Pablo Escobar. »
Les personnages sont plutôt pittoresques, l’Ange à part d’être beau (comme un ange), mais manque d’envergure (absence d’ailes sûrement). La narratrice perd la tête et consent (sans beaucoup de résistance) au sacrifice corporel et à tous les ennuis qui en résultent. Les femmes proches de l’Ange sont Marie-Crucifix, présidente de son comité de gestion, qui provoque ses crises, car les fidèles sont plus généreux ces jours là. Baby Sweet Killer, ex-championne de lutte est sa garde du corps rapprochée. Les sœurs Muniz, Cofa et Rufa sont fabricantes de confitures et prophètes à temps perdu. N’ont-elles pas prédit la chute du communisme ? Le prêtre est le représentant de la foi catholique, fumeur invétéré, ses prêches anti-Ange sont des monuments de haine, mais le rappel de certains de ses agissements, le calme bien vite. S’ensuit une petite semaine de folie dans la capitale colombienne.
Nous apprenons également l’histoire de quelques anges chassés des cieux (pas très angéliques, ceux-là) Uriel, Mermeoth et l’Ange sans nom.
Très facile de lecture, amusant, truffé de réflexions sur cette ville et ses mœurs :
« Quelle chance avait un ange du ciel de survivre dans cette Bogota d’épouvante qui empile les ordures sur les trottoirs, et les morts inconnus dans les terrains vagues ? »
« Leur chef est un policier qui, de temps en temps, fait la loi et de temps en temps en temps le voyou. »
A lire pour le plaisir.
Croire aux anges pour embellir la dureté de la vie colombienne 8 étoiles

La narratrice, une journaliste de la revue Somos, est chargée de rédiger un article sur les anges colombiens qui occupent l'imaginaire et les croyances de ces habitants plongés dans un pays marqué par la violence. Dans une banlieue de Bogotá, un ange attirerait les foules, lui qui éblouit par sa beauté angélique et qui effraie par ses colères et ses transes. Le lecteur suit le cheminement de cette femme confrontée à un univers, au départ inconfortable. Elle croise toutes sortes de personnes qui deviennent sous la plume de Laura Restrepo des personnages de roman intéressants, originaux et au caractère trempé. Et quand cette femme tombera sous le charme de cet ange, la situation risque de se complexifier ...

Ce court roman prend racine dans le réalisme magique si cher aux auteurs sud-américains. On suit avec un grand plaisir ce personnage féminin dans ses découvertes. Certains passages sont quelque peu inquiétants lorsque l'auteur installe un suspense lié à la découverte de cette créature divine, d'autres sont amusants. Laura Restrepo s'est amusée à trouver des noms significatifs et comiques à ses personnages. Certaines scènes sont clairement risibles et l'on en vient à penser à certaines situations loufoques dans les romans de Zoé Valdés, comme dans "Miracle à Miami". Certains passages, extraits des textes écrits sous la dictée de l'Ange, possèdent un lyrisme et une poésie qui semblent magnifier ces croyances. Le roman se lit avec plaisir, c'est un bon divertissement qui permet tout de même de s'imprégner de l'atmosphère colombienne et du comportement des habitants.

Le titre du roman provient du début d'une prière qu'apprennent les enfants en Espagne et en Amérique du sud : «Mon ange gardien, douce compagnie, ne m'abandonne pas ni le jour ni la nuit.»

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 7 novembre 2014