Lygia Clark (L'enveloppe) : La fin de la modernité et le désir du contact
de Sylvie Coëllier

critiqué par Cyrilpower, le 6 septembre 2005
( - 45 ans)


La note:  étoiles
la boite et le contact
Sylvie Coëllier retrace en quinze chapitres le parcours de l’artiste brésilienne Lygia Clark (1920-1988) et propose un regard comparatif entre ses œuvres et celles des sculpteurs phares (Giacometti, Moore, Morris, Judd) des quarante dernières années. Comme vous l’aurez compris, S. Coëllier ne se contente pas d’une simple monographie. Par ailleurs, cet ouvrage vient combler la succincte bibliographie en français sur Lygia Clark qui ne se compose que du catalogue de l’exposition rétrospective de 1997-1998.

Par un travail rigoureux et une analyse précise, l’auteur met à jour les influences de Mondrian, Léger ou Albers et le contexte artistique (minimalisme, conceptuel) dans lesquels s’inscrivent les œuvres de Lygia Clark. Dommage que la piètre qualité des illustrations en noir et blanc et leurs nombres insuffisants n’accompagnent pas ce texte éclairant. L’auteur élabore plusieurs axes de recherches (espace-temps, enveloppe-peau, relation spectateur-participant, toucher-contact) afin de confronter les œuvres picturales et sculpturales aux écrits théoriques de l’artiste et de les replacer dans une perspective historique.

Dans cet ouvrage, Lygia Clark surgit derrière l’ombre d’Hélio Oiticica, pour prendre sa place d’artiste innovante. Sur la base de ses créations « néo-concrètes », elle réalise ses « propositions sensorielles » entre Rio et Paris redéfinissant ainsi le rôle du Spectateur en Participant. Ses sculptures et ses actions d’art-thérapie dessinent de nouvelles approches du contact en brisant les tabous qui régissent la société. L’artiste redéfinit à l’aide d’objet à saisir ou d’habits à revêtir (masques, robes) les relations homme-femme au regard d’un toucher issu de la pensée phénoménologique. Elle pose ainsi les fondements d’un art de l’expérimentation qui va à l’encontre des pratiques de l’art corporel exposées sur le devant de la scène.

S. Coëllier dégage la pensée et la démarche spécifique de Lygia Clark au regard des courants philosophiques, de la réception des théories psychanalytiques et des pratiques artistiques entre 1960 et 1980. L’auteur met l’accent sur l’émergence d’une nouvelle identité, celle de la femme-artiste. Elle insiste sur le concept d’enveloppe qui serait antinomique à la notion de boîte et sur le rôle du toucher comme expérimentation de la sensation et la découverte de son moi ; ces éléments formant la source d’un art typiquement féminin.