Le troisième thé
de Christian Cailleaux

critiqué par Sahkti, le 3 septembre 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Aventure lointaine
Félix part au Sénégal à la demande de ses amis antiquaires et libraires, à la recherche de reliques ayant appartenu à un colon français. L'essentiel du récit tourne autour du rituel du thé. Un voyage qui emmène Félix de Paris à Saint-Louis, puis du Sénégal au Québec.

J’ai beaucoup aimé le décalage entre le monde parisien et le monde africain, entre le trépidant et le nonchalant, enfin nonchalant en apparence... Félix s’imprègne de la chaleur africaine, de ses coutumes, de ses préoccupations. Ses deux amis lui semblent si lointains.
Quelques détails m’ont frappée : la présence d’un ordinateur dans une des bulles, avec la fenêtre d’écran réalistement dessinée, cela m’a presque paru anachronique tant le reste du récit semble intemporel.
J’ai également été étonnée du raccourci pris par l’auteur au moment de la vente des objets. Le possesseur de ce trésor, fidèle à son ancien maître, refusant de vendre au nom d’une promesse, décide subitement, pour quelques liasses, de tout céder à un escroc. Etait-il à ce point cupide ou naïf ? Cela me semble peu coller avec l’image d’un ami fidèle qui se dégageait quelques pages plus tôt.
Tout comme cette impression que Félix assiste, impuissant et l’air extérieur, à ce qui se passe autour de lui, on dirait qu’il subit les choses, qu’il vit dans un autre univers et regarde le temps passer. Cela donne au récit une temporalité très particulière, des heures qui défilent lentement alors que si on regarde plus attentivement le déroulement de l’histoire, ce sont de nombreux jours qui se sont écoulés.
A part cela, les connaissances africaines de Cailleaux et son amour pour ce continent se sentent très bien dans cette BD, comme dans certaines autres de ses oeuvres. On se sent immédiatement imprégné de cette Afrique langoureuse et suave. C'est un très bon moment de dépaysement avec un sentiment de langueur qui se dégage au fil des pages et une indolence bienfaisante au milieu du tumulte de l'actualité, une coupure totale, l'évasion. C'est frappant de constater à quel point, dès qu'on s'immerge dans l'histoire, on s'isole complètement de ce qui se passe ailleurs, on vit au même rythme que Félix, baigné par une douce torpeur.
Au départ, l'album devait voir le jour chez les Humanoïdes Associés (collection Tohu Bohu) et ça ne s'était pas fait à cause du coût élevé de l'impression en bichromie. Cailleaux le réclamait, il ne l'a pas eu, il est parti. Heureusement pour nous ! Et merci à Treize étrange d'avoir publié en bichromie, c'est tellement beau !