La lettre à Anna
de Didier Goupil

critiqué par Cuné, le 2 septembre 2005
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Hou la la ...
Samuel aime Anna. Ils sont heureux. Puis internés en camp pendant la guerre.
Didier Goupil me donne l’impression d’écrire une sorte de conte, en se plaçant à grande distance, et avec comme une ironie sous-jacente, une fin presque amusante, ça me gêne. Evidemment, le sujet des camps de concentration est respectable en soi. Mais y apposer une construction volontairement originale, telle que des pages avec juste une phrase ou quelques mots, me semble trop trivial. L’histoire de Samuel et d’Anna n’est ni suffisamment forte, ni écrite avec émotion, et au final, qu’en reste-t-il ? Pas grand-chose…
Tombeau pour un amour défunt 6 étoiles

Salle Pleyel. Fin d'un concert. Le public retient son souffle, hésite à applaudir, reste assis sous le choc de ce qu'il vient d'entendre, un morceau qui aurait pu avoir pour titre Quatuor pour la fin des temps ou Symphonie pour un homme seul, mais qui s'intitule plus sobrement Lettre à Anna .

Ce quatuor, c'est celui que son compositeur et interprète violoniste Samuel a composé pour Anna, une chanteuse disparue, sa partenaire et sa compagne. La guerre est arrivée, Paris est devenu une souricière, puis ce furent les rafles, la déportation et la déchirure de la séparation. Recruté pour diriger un orchestre dans les camps, non plus pour gagner sa vie mais pour la sauver, Samuel doit jouer pour ses bourreaux. Il compose en secret un quatuor , écrit sur des morceaux de papier dérobé à la sauvette avec de la cendre mélangée à de la neige, puis sur des morceaux de tissu déchiré. Chargé d'enterrer les prisonniers exécutés, puis atteint du typhus au moment de la libération des camps par les Alliés , il survivra pourtant.

Construit en deux parties, cet ouvrage relate d'abord de façon classique l'irrésistible ascension du jeune violoniste et de sa chanteuse Anna dans l'univers du jazz entre deux guerres, depuis les clubs de Montparnasse jusqu'aux scènes internationales, puis se transforme à partir de l'étape des rafles et de la déportation en éclats d'un récit minimaliste: petites phrases, simples mots éparpillés, apparaissant isolés, comme des flashes, chacun sur une page blanche.

Cette économie de moyens est pour le moins déroutante pour le lecteur qui voit disparaître la mise en page habituelle d'un roman. Il tourne désespérément des pages presque blanches sur lesquelles n'apparaît qu'un mot ou une expression, à une place inattendue.
Ces fragments de texte ne constitueraient-ils pas les éclats d'une vie brisée, une sorte de tableau traduisant avec pudeur et sobriété, la perte, la séparation, la solitude, l'essentiel n'étant plus alors dans les mots mais dans le non dit ?

Un roman en mode mineur dans lequel, comme dans une partition, les silences ont une importance égale à celle des notes .

Alma - - - ans - 8 novembre 2016