Cinq
de Sabine Bouyala

critiqué par Sahkti, le 31 août 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Cinq destins
Cinq soeurs sont, ensemble, victimes d'un accident de la route. L'une d'entre elles nous en parle, raconte ce qui se passe. Elle donne des surnoms à ses soeurs, assez étonnants: silex, bougie, amazone et tison. Etonnants mais pas dénués de sens, on le comprend en lisant l'histoire de chacune. La narratrice expose, dévoile, elle tente comme elle peut de créer une histoire unique à partir de morceaux épars et de fragments du passé. Comme un puzzle dont on voudrait assembler les pièces mais lorsqu'il en manque quelques-unes, c'est mission impossible.
Cette démarche utopique donne lieu à des scènes de déchirement, d'interrogations bouleversantes, de quête sans fin de soi. Le présent flirte avec le passé, la joie succède au chagrin. Cela ressemble à un cycle ininterrompu, la nuit, le jour, la nuit...
J'ai envie de dire que parler des malheurs et de la souffrances d'autrui, à fortiori dans le cas présent de cinq soeurs traumatisées chacune à leur façon, ça peut paraître facile et c'est en même temps terriblement casse-gueule. Difficile de ne pas tomber dans le mélo et le pathos à bon marché. Sabine Bouyala évite cela mais pour se faire, elle déploie des trésors d'écriture lyrique mêlés à des silences et des moments de doute qui sont parfois trop remarqués dans son récit. Il y a là une impression certaine de confusion, pas uniquement due aux incessants passages entre obscurité et lumière des âmes mais à l'entrecroisement de toutes ces personnalités, jamais clairement définies, toujours imbriquées les unes dans les autres. Par moments, c'est un peu étouffant. Comme si l'auteur avait eu besoin de tout mettre en seulement cent pages et qu'il lui en aurait fallu trois fois plus pour que ce soit aéré et agréable. Dommage.
Esprits fantômes 4 étoiles

Cinq soeurs dans une même voiture, en route pour une promenade au bord de la mer, et puis l'accident... Les corps se décollent de la carcasse, les esprits rejoignent ces semblants de femmes désormais fluides, transparents, sensibles au froid. Elles contemplent le macabre spectable d'elles-mêmes déchiquetées, bousillées, dépecées, et s'en vont. En chemin, elles vont aller à la rencontre de leur mère, également morte, également un esprit mort-vivant. A cet instant, et un peu plus loin, j'ai décidé d'arrêter. Je n'aime pas ! Dès qu'un auteur tente l'ailleurs, l'identité trouble et divagante, aussitôt le lecteur pense et fait le rapprochement avec Virginia Woolf. Mais cela reste pesant, désespérement opaque, insolite et trop extravagant. Je suis âprement déçue, j'avais reçu un écho favorable à ce premier roman.
En plus, dans cette histoire, les personnages n'ont pas de prénom : ce sont le tison, la bougie, le silex, l'amazone et (moi) la narratrice. J'avais un bon a-priori pour ce livre et son paysage des cinq soeurs, me sentant très prochant à tout récit du genre. Et j'ai donc été très touchée par le portrait de chacune, y puisant de ma propre expérience familiale (ma fameuse tribu de sept soeurs !). Mais mis à part cette alléchante présentation, le style de "Cinq" m'est restée froid et biscornu.

Clarabel - - 48 ans - 4 septembre 2005