Qui a tué Rouge-Gorge ?
de Étienne Delessert

critiqué par Sahkti, le 6 août 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
La mort est un jeu
Ce livre reprend une comptine anglaise du 18e siècle, adaptée à la sauce "Etienne Delessert", c'est à dire poétique et colorée. Le texte, quasi absent, cède sa place à l'image et au symbolisme.
L'ouvrage débute avec la question reprise en titre. Une interrogation à laquelle répond un frêle oiseau qui se désigne comme le coupable "d'une seule flèche en biseau, j'ai tué Rouge-Gorge".
Suivent d'autres questions auxquelles répondent d'autres animaux, se désignant tour à tour comme les auteurs de certains actes. La libellule a assisté au décès, la colombe conduit le cortège funéraire tandis que la grive chante l'oraison funèbre.
En réalité, derrière ces oiseaux, on trouve des âmes d'enfants, des petits qui veulent jouer aux grands et considèrent l'apprentissage de la mort comme un passage obligé pour entrer dans le monde des adultes.

Etienne Delessert, avec ses doubles pages colorées et lyriques, traduit à merveille l'univers onirique de la mort vue par de jeunes enfants qui la considèrent comme mystérieuse et envoûtante lorsqu'ils pensent avoir le pouvoir sur elle. Chaque enfant est travesti en oiseau magnifique, aux couleurs chatoyantes, se livrant chacun à un rituel bien défini autour de la mort, moyen d'appréhender l'inconnu et d'affronter ses peurs. On dirait du théâtre tant les scènes illustrées ressemblent à une représentation grandeur nature des actes de la vie. La mort ressemble à un jeu, mais ne faut-il pas la considérer de la sorte si on veut lui donner un début et une fin, lui rendre la place qui est la sienne lorsque le jeu prend fin. La relativiser en quelque sorte.
Un sujet pas facile à raconter et les superbes images n'aident pas forcément à entrer dans le sujet car elles détournent l'attention par leur beauté. Un travail de réflexion et de dialogue s'impose, ce qui est très bien.