Two Lives: A Conversation in Paintings and Photographs
de Georgia O'Keeffe, Alfred Stieglitz

critiqué par Fee carabine, le 5 août 2005
( - 49 ans)


La note:  étoiles
Hommage aux parents de l'art américain
Georgia O'Keeffe (1887-1986). Peintre américaine dont l'oeuvre - au premier abord, lors d'une visite au Art Institute de Chicago - m'a intriguée plus que séduite. Une oeuvre inclassable, mi-figue mi-raisin mais étonnamment expressive. Une oeuvre qui ne choisit pas son camp entre figuration et abstraction. Une oeuvre tissée de lignes pures, de couleurs franches et de camaïeux d'une grande délicatesse...

Alfred Stieglitz (1864-1946). Américain lui aussi. Directeur de la Galerie 291 (située au 291, Fifth Avenue, New York), il fut un des premiers à tenter de faire connaître aux Etats-Unis l'avant-garde de la peinture et de la sculpture européenne, pêle-mêle: Rodin, Brancusi, Picasso, Braque, Kandinsky... avant de se consacrer exclusivement à la promotion d'artistes américains à partir de 1913. Et surtout, Alfred Stieglitz fut un des premiers photographes à parvenir à imposer cette technique comme une forme d'art à part entière en Amérique du Nord.

Voilà pour les présentations de ces deux artistes qui sont considérés aux Etats-Unis comme des figures de référence, les chevilles ouvrières d'un art américain enfin libéré de toute influence européenne. Georgia O'Keeffe et Alfred Stieglitz étaient aussi mari et femme. Ils ont beaucoup travaillé côte à côte, surtout pendant les étés qu'ils passaient dans leur maison du Lake George. Georgia O'Keeffe et ses tableaux ont souvent servi de modèles pour des photos d'Alfred Stieglitz, qui à leur tour ont fourni l'inspiration pour de nouveaux tableaux. Le livre dont il est question ici est en fait le catalogue d'une exposition qui s'est tenue dans plusieurs villes américaines et qui rassemblaient des oeuvres des deux artistes, pour la première fois depuis leurs décès, dans une tentative de recréer le dialogue qui avait présidé à leur création. Les essais qui accompagnent ce catalogue sont d'un intérêt variable: le premier "The Great American Thing" de Roger Shattuck, qui retrace l'historique de la collaboration entre Georgia O'Keeffe et Alfred Stieglitz, est parfaitement incompréhensible à moins d'avoir lu d'abord les deux essais suivants, consacrés respectivement à l'oeuvre d'Alfred Stieglitz et à celle de Georgia O'Keeffe, qui sont d'ailleurs nettement plus intéressants. Mais ce qui fait véritablement l'attrait de ce catalogue, c'est le dialogue entre les oeuvres: un portrait de Georgia O'Keeffe par Stieglitz et Abstraction IX de Georgia O'Keeffe dont les lignes évoquent une silhouette de femme allongée dans la même position que celle du portrait, "The hand of man" de Stieglitz (une photo d'un train) et "Train at night in the desert" de Georgia O'Keeffe. Et surtout les crânes d'animaux de Georgia O'Keeffe - des tableaux saisissants opposant la blancheur et la nudité des os à des fonds de couleurs vives ou à la délicatesse de quelques roses blanches, et puis la photo par Stieglitz des mains de Georgia O'Keeffe enveloppant littéralement un de ces crânes...

J'ai un peu hésité à présenter ce livre ici. Il n'est disponible qu'en Anglais, et ce n'est sans doute pas le meilleur ouvrage pour qui voudrait découvrir Alfred Stieglitz et Georgia O'Keeffe. Mais le site ne propose pas encore de critique de livres qui leur soient consacrés, et "Two lives - A conversation in paintings and photographs" me donne finalement une bonne occasion de combler cette lacune en attendant mieux. D'autant que ces deux artistes en valent la peine, en particulier Georgia O'Keeffe dont l'oeuvre et la personnalité sont tout à fait intrigantes et singulières.