Textes de scène
de Pierre Desproges

critiqué par Marco, le 3 mai 2001
(Seraing - 50 ans)


La note:  étoiles
Le cynique saltimbanque
"On peut dire que ce spectacle est un cri de haine désespérée où perce néanmoins une certaine tendresse.
Je sais qu'il y a des journalistes dans la salle, je leur signale que tendresse, c'est avec deux 's'."
Et de la haine, et de la tendresse, Pierre Desproges en avait à revendre. Dans ce petit livre reprenant les textes de ses deux spectacles (84 et 86) ainsi que certains sketches inédits, nous découvrons cet humoriste inclassable dans son registre le plus cynique. Mordant, agressif, révolté, odieux, il ne montre que très rarement le dessous de sa carapace, mais ce sont des moments de pur bonheur, où le truculent jongleur de mots acérés se fait doux pour communier avec le public et lui demander pardon de le bousculer ainsi dans ses certitudes et sa vie de mouton pépère.
Quelques phrases: - Tout comme le pou, le coiffeur est un parasite du cheveu. - Je suis entré dans l'âge mûr, et par définition, c'est l'âge qui précède l'âge pourri. - "Le Capital", c'est comme l'annuaire. Tu lis trois pages et puis tu décroches. Ce livre est-il lisible par tous ? J'émets une réserve. A côté de ces réflexions innocentes, Desproges prêche que l'on peut rire de tout, et même du plus grave... à condition de saisir le second voire troisième degré de phrases comme "On ne m'ôtera pas de l'idée que, pendant la dernière guerre mondiale, de nombreux juifs ont eu une attitude carrément hostile à l'égard du régime nazi".
L'auteur de "Vivons heureux en attendant la mort" aura poussé son humour jusqu'à l'extrême. Desproges sait qu'il va mourir d'un cancer, et il écrit à ce sujet: "Y avait comme un crabe affamé qui me broutait le poumon. Le soir même, chez l'écailler du coin, j'ai bouffé un tourteau. Ca nous fait un partout".
Y a-t-il un message à déchiffrer derrière cet humour corrosif ? Sans doute, mais l'auteur ne nous donne pas la clé. "Je ne parlerai pas à vos coeurs. J'aurais trop peur, courant le risque que vous m'aimiez un tant soit peu, de vous aimer à mon tour".
Bien sûr 9 étoiles

Le temps de Desproges, Coluche, Bedos etc qui faisaient les couillons à la télé et des spectacles géniaux et corrosifs nous manque. Toute ce génie et goût de la provoc remplacés par un humour mercantile, dénué d'engagement, de fond, d'écriture.

Adrien34 - - 33 ans - 7 février 2010


La morsure cinglante d'un humour ravageur 9 étoiles

A l’occasion du 20e anniversaire de la mort de Pierre Desproges, j’ai lu TEXTES DE SCENE . Ces textes n’ont pas pris une ride . Les cibles de son ironie sont intemporelles : la bêtise, le conformisme, les préjugés, le pouvoir . Contempteur lucide des travers humains, Desproges n’épargne personne : ni les puissants, ni l’homme de la rue mais sa marque distinctive c’est l’art des périphrases et comparaisons inattendues, du détail incongru et du dérapage contrôlé : le glissement progressif vers un autre sujet, les phrases digressives, souvent rédigées de façon pompeuse et académique et bourrées de clichés, d’une grandiloquence burlesque .

Si son humour est bien la politesse du désespoir, c’est parce qu’il l’utilise comme moyen d’exorciser sa peur de la mort, et en traitant de ce sujet grave avec légèreté, il montre son refus de céder à l’émotion et à la sentimentalité .
« La longue plainte déchirante pudiquement cachée sous la morsure cinglante de mon humour ravageur » Une phrase qui prend tout son sens chez un être qui sait que le cancer est en train de le ronger ………….
Elégant , non ?

Alma - - - ans - 30 avril 2008