Le cher disparu
de Evelyn Waugh

critiqué par Oxymore, le 28 juillet 2005
(Nantes - 52 ans)


La note:  étoiles
Ironie mortelle
Malgré le prénom qui prête à confusion, Evelyn Waugh est bel et bien un homme, anglais de surcroît et qui a sévi au 20ème siècle; c'est donc encore un auteur contemporain. Je ne le connaissais pas et j'ai été agréablement surpris par la lecture de ce "cher disparu". L'histoire évoque d'abord la vie étrange d'un anglais vivant aux états-unis; entouré de personnes de sa communauté, ils aiment se raconter la vie en Angleterre, pratiquer le cricket et évoquer la mémoire de ce cher disparu qui les quitte. Denis Barlow, poète et "morticien" pour animaux aux célestes pourpris (pompes funèbres animalières) va tomber amoureux d'Aimée Thanatogenos qui est embaumeuse dans une société qu'on pourrait considérer concurrente si elle ne s'occupait pas exclusivement des humains. Waugh s'amuse à faire en sorte que son anglais de personnage joue de son ironie et applique une pression morale, un harcèlement psychologique qui va troubler la mignonne au plus haut point; ajoutons à cela un 3ème personnage qui contribue à perturber les sentiments d'Aimée et vous obtiendrez un épilogue étonnement caustique et drôle. Je n'en dis pas plus mais en tout cas, auteur à découvrir ou redécouvrir d'urgence.
Mourir dans la dignité et le mascara 8 étoiles

On pourrait croire que ce Cher Disparu date de la rentrée littéraire 2010, tant la description des us et coutumes funéraires est moderne ! C’est à la fois extrêmement drôle et terrifiant, ce culte du rien et du paraître que décrit Waugh à travers la description du traitement infligé aux Chers Disparus. Et nos petits travers en prennent aussi pour leur grade, comme cet amour immodéré pour nos compagnons à quatre pattes ou l’utilisation du courrier des lecteurs comme guide spirituel.

La deuxième moitié du livre m’a paru de moins haute volée mais elle est nécessaire pour amener la fin choisie par l’auteur, qui vient cruellement faire voler en éclats la conception de la mort selon les Célestes Pourpris : un mauvais moment à passer qu’on peut adoucir grâce à un peu de maquillage et à une concession dans un jardin égayé d’œuvres d’art et du joyeux bourdonnement de ruches artificielles.

Je ne connaissais pas Waugh, mais j’ai beaucoup aimé son ironie à la limite de la causticité et sa férocité. Car il est féroce avec ses personnages : les Anglais d’Amérique, personnifiés par Sir Ambrose, sont ridicules, les Américaines, telle Aimée, sont des cruches interchangeables, etc. Et le tout est traité avec assez de finesse pour faire rire ou sourire. J’en redemande !

Guigomas - Valenciennes - 54 ans - 22 novembre 2010


Délicieux cynisme 8 étoiles


Dans ce court roman, Evelyn Waugh décrit avec truculence et drôlerie le monde des pompes funèbres. Ce regard acerbe sur les us et coutumes funéraires de nos sociétés permet de prendre un certain recul et prend le parti de dédramatiser la douleur de la mort d'un proche. Justement, ces êtres perdus sont appelés les "chers disparus" tandis que ceux qui leur survivent sont les "délaissés", d'après le baratin marketing des travailleurs des pompes funèbres décrits par E. Waugh, auxquels il ne fait évidemment aucun cadeau.
Le protagoniste, Denis Barlow, travaille pour un dérivé de ces entreprises puisqu'il s'occupe quant à lui des enterrements d'animaux domestiques. Travail qui ne le passionne guère mais qui lui permet de trouver du temps pour écrire ses poèmes. Denis est anglais et vit en Amérique. Il fait partie d'une petite communauté d'anglais nostalgiques de leur patrie originelle, et évidemment le travail de Denis ne plaît guère à ses compatriotes... Un anglais, à l'étranger encore plus qu'ailleurs, doit être à la hauteur de ses origines et donc ne pas se fourvoyer en pratiquant ce genre de métier... pensez donc! L’organisation de funérailles pour chiens par un anglais, c'est une honte pour la couronne! A la suite du décès d'un proche (« Le cher disparu »), Denis devra s'occuper des obsèques et se rendra donc dans le temple du commerce de la mort (pour humains cette fois), mais c’est avec l’œil du spécialiste qu’il décrit l’endroit, et c’est avec un plaisir immense que le lecteur le suit dans les méandres des salles mortuaires. Denis considérera d’ailleurs cette visite comme un complément à son travail et tentera de piquer quelques bonnes idées à cette société... Il tombera même amoureux d'un de ces hôtesses de la mort et s'ensuivra une histoire rocambolesque à souhait.

Un bon roman donc, caustique et hilarant qui n'en demeure pas moins intéressant dans l'analyse des coutumes funéraires de nos sociétés. A lire pour rire mais aussi et surtout pour réfléchir sur la perception de la mort.

Isaline - Tours - 43 ans - 2 septembre 2005