Le fusil de chasse
de Yasushi Inoue

critiqué par Saule, le 3 mai 2001
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
Une liaison amoureuse fatale
Le fusil de chasse est le livre le plus connu de Yasushi Inoué, auteur japonais très populaire et célèbre, mort en 1991. Un classique de la littérature japonaise donc.

C'est un très court roman, décrivant une liaison adultère passionnelle qui se termine de manière tragique par la mort de l'amante (je ne révèle rien, on le sait depuis le début). Cette liaison secrète est décrite dans trois lettres, une écrite par l'amante avant qu'elle ne se suicide, une par sa fille et la troisième par la femme trompée. C'est très beau, très bien écrit. L'extrait suivant est de la lettre écrite par la fille, à propos des relations de sa mère ; "Jusqu'à présent, je croyais que l'amour était semblable au soleil, éclatant et victorieux, à jamais béni des dieux et des hommes. Je croyais que l'amour gagnait peu à peu en puissance, tel un cours d'eau limpide qui scintille dans toute sa beauté sous les rayons du soleil, frémissant de mille rides soulevées par le vent et protégé par des rives couvertes d'herbe, d'arbres et de fleurs. Je croyais que c'était cela l'amour. Comment pouvais-je imaginer un amour que le soleil n'illumine pas et qui coule de nulle part à nulle part, profondément encaissé dans la terre, comme une rivière souterraine ?".

En bref un très beau roman, à lire absolument si on aime la littérature japonaise. Personnellement, et malgré tout le plaisir de lire un roman si bien écrit, je ne me suis toutefois pas senti totalement impliqué dans le drame de ce couple tragique, peut-être à cause du style un peu sobre (contrairement à l'extrait ci-dessus), ou à cause d'un certain détachement de l'auteur, ou encore de la brièveté de l'oeuvre.

Du même auteur, un recueil de nouvelles inédites vient de paraitre, 'Pluies d'orages' (rien que le titre est un poème !). Très beau également.
Trois lettres face à l'infidélité... 7 étoiles

Recueil composé de trois lettres qui mettent à jour l'infidélité d'un homme.
Il y a la femme, la maîtresse et la fille de cette dernière.
Toutes trois expriment leur sentiment face à cette liaison.
On se retrouve dans un univers japonais poétique où l'infidélité, les sentiments amoureux de chacun, la trahison, le suicide et la mort y sont traités de manière remarquable par l'écrivain.

Jordanévie - - 48 ans - 22 avril 2023


Trois lettres et un fusil … 7 étoiles

Deux lectures à 15 ans d’intervalle pour ce très court – et très célèbre – roman de Yasushi Inoué. L’occasion de vérifier comment l’appréciation peur changer, d’une lecture à l’autre ( ?), d’un âge à l’autre ?) …
J’avais conservé un très fort souvenir de cette lecture, qui m’était restée très présente à l’esprit, et c’est donc avec gourmandise que je l’avais reprise. Sentiment plus mitigé. Je dirais que j’idéalise moins maintenant « Le fusil de chasse ». C’est vrai aussi qu’en 15 ans quelque chose comme …1500 œuvres me sont passées entre les mains et sous les yeux. Au vrai je ne saurais dire pourquoi j’ai été moins impressionné cette fois-ci. L’effet de surprise disparu ?
Quoi qu’il en soit, « Le fusil de chasse » reste une œuvre littéraire hautement recommandable, d’autant plus si l’on veut mettre son nez du côté du Japon et de la littérature japonaise.
Pour un roman aussi court, la trame est singulièrement tordue puisque c’est par le biais d’un poète, tout à fait étranger à l’affaire, que tout nous est conté (un procédé qui m’a furieusement rappelé des biais exploités par Joseph Conrad dans nombre de ses œuvres).
Ce poète, après parution d’un poème dans un journal (la modeste revue « Compagnon du chasseur »), reçoit au courrier la lettre de Josuke Misugi, qui croit se reconnaître :

« Je m’intéresse quelque peu à la chasse, écrivait Misugi, et j’ai eu récemment l’occasion de lire votre poème. Je suis un homme dénué de goût et je ne me sens nullement porté vers la poésie. A la vérité, c’était la première fois que je lisais un poème. Pardonnez-moi de vous dire que je ne connaissais pas votre nom. J’ai éprouvé un choc comme jamais auparavant. »

Josuke pense donc se reconnaître et croit donc intéressant de fournir des éléments de compréhension de sa personnalité, de son comportement, via trois lettres de femme qui lui ont été adressées à l’occasion de la mort d’une d’entre elles.
La suite du roman n’a plus rien à voir avec la véritable chair du roman puisque c’est de la relation de ces trois femmes, Shoko, la fille de sa maîtresse, Midori, sa femme et Saïko, sa maîtresse qui vient de mourir et qui lui a adressé une lettre posthume. Vraiment rien à voir donc, exactement comme avec Joseph Conrad dans, par exemple « Au cœur des ténèbres ».
Oui, la chair du roman, c’est ce qui nous est donné de connaître de Josuke Misuki via les prismes des trois femmes. Chaque lettre amplifiant, modifiant, ou corrigeant ce que la précédente nous avait appris.
C’est très introspectif et, mais je ne saurais dire pourquoi, très japonais. C’est merveille de voir comment un même comportement passé au prisme de trois personnes différentes peut diverger … Pour autant je n’ai pas retrouvé la magie de ma première lecture. Pfffh ! J’ai dû vieillir !

Tistou - - 67 ans - 29 mai 2015


L'art de l'épure du maître japonais 10 étoiles

Avec ce texte très court, Inoué revisite, avec une remarquable justesse dans l'analyse de la psychologie féminine, le thème éternel de l'amour malheureux, l'amour à sens unique qui nous entraîne parfois pauvres humains que nous sommes, dans cette ronde infernale, les uns à la poursuite des autres dans une quête éperdue et vaine.
Ce sont donc essentiellement trois lettres, trois lettres de rupture émanant de trois femmes perdues à jamais pour Josuke:
-Shoko, la fille de la maîtresse passionnément aimée, Shoko qui aurait pu être la fille qu'il n'a jamais eue et qu'il n'aura jamais, Shoko qui à l'aube de sa jeune vie de femme découvre que l'amour n'est pas toujours ce qu'elle avait imaginé "semblable au soleil, éclatant et victorieux, à jamais béni de Dieu et des hommes ";
-Midori, l'épouse humiliée, profondément blessée dans son amour, qui s'est débrouillée comme elle a pu pour noyer sa souffrance tout en restant là, à donner le change, à espérer, à guetter, à essayer de provoquer un signe d'intérêt, fut-il l'expression de la haine, un signe qui n'est jamais venu, Midori, si émouvante dans son geste ultime et apparemment anodin à l'intention de son mari."Si ta haine avait fait balle à travers mon coeur, je me serais serrée contre toi"écrit-elle en évoquant la fameuse scène du fusil;
-enfin Saïko, l'autre, engluée dans le mensonge jusqu'à se mentir à elle-même, victime d'un destin tragique qu'elle s'est elle-même forgé par son refus de pardonner à l'être aimé, son choix égoïste d'être aimée plutôt que d'aimer.

L'ordre des lettres n'est pas indifférent dévoilant à chaque fois derrière le rideau des apparences une "réalité" fragile qui n'est elle-même qu'une apparence cachant une autre réalité...

Au bout: la solitude absolue d'un homme, le goût de cendres d'un mariage gâché et plus encore le sentiment de vide immense que doit laisser la révélation d'avoir vécu une folle passion... seul.

Josuke ne nous dit rien de son drame intérieur désormais sans issue. Et pourtant le besoin de se confier est là même si "un homme est bien fou de vouloir qu'un autre le comprenne "Il le fait avec une extrême pudeur, rien n'est dit. Et cependant, à l'issue de cette lecture des lettres demandée à l'auteur, tout sera dit. Et c'est là le talent subtil et incontestable d'Inoué.

Myrco - village de l'Orne - 74 ans - 1 juillet 2012


Lettres de désamour 6 étoiles

Un homme d'affaires japonais, passionné de chasse, croit se reconnaître dans un poème publié par l'auteur dans une revue spécialisée. Dans le courrier que le chasseur envoie à l'écrivain, il joint trois lettres de femmes qui permettent de comprendre ce que fut sa vie amoureuse. La première est de Shoko, la fille de sa maîtresse, qui raconte les derniers instants de sa mère. La seconde est celle de sa femme Midori qui supporta sa disgrâce avec dignité et la dernière celle de sa maîtresse Saïko qui ne supportant plus le poids de la culpabilité, finit par se suicider.
Un court roman sentimental présenté de façon épistolaire, parcellaire et relativement sibylline. Les trois points de vue différents permettent de mieux comprendre les sentiments ressentis par les trois femmes mais ne donnent qu'une idée très vague du personnage central, Josuke Misugi, sorte d'ectoplasme relativement peu intéressant au bout du compte. Au total, une banale histoire d'adultère qui n'apparaît originale que par sa présentation littéraire et par son style alambiqué et exotique. La quatrième de couverture ose parler d'une « formidable économie de moyens » (sans doute par les non-dits et par la brièveté du discours) et d'une « langue subtilement dépouillée ». On nous permettra de penser qu'on n'est pas loin de la publicité mensongère tant l'écriture d'Inoué manque de la légèreté promise. Le fil conducteur de cette histoire étant le péché, la culpabilité, comment échapper à une lourdeur certaine ? Mais peut-être faut-il incriminer la traduction ?

CC.RIDER - - 65 ans - 23 juin 2012


En chaque femme se cache un serpent 6 étoiles

Une très belle oeuvre, pleine de retenue et de pudeur, dans laquelle se livrent trois femmes, en prenant chacune leur tour la plume.

Pas de fioritures, une écriture sans ambages, au style direct, qui laisse le lecteur un peu extérieur à cette histoire d'amour mélodramatique.

Mais une fin qui monte en puissance, où réside tout l'intérêt de ce livre, à mon sens.

Une oeuvre à conseiller aux néophytes de la littérature japonaise.

Lolita - Bormes les mimosas - 38 ans - 20 mai 2011


Trois très belles lettres d'amour à l'écriture glacée. 10 étoiles

Un petit ouvrage du japonais Yasushi Inoué, Le Fusil de chasse.
En à peine une heure de lecture, trois femmes se racontent à un même homme. Trois très belles lettres.
Triste histoire que celle des amours contrariées de ces quatre personnages (l'une de ces femmes connaîtra d'ailleurs un funeste destin). Amours impossibles, amours étouffées par les secrets non dits.

[...] En plus des trente couleurs au moins que contient une boîte de peinture, il en existe une, qui est propre à la tristesse et que l'oeil humain peut percevoir.

L'écriture glacée de Yasushi Inoué ajoute encore au malaise : ses personnages se racontent de manière étrangement distanciée et l'on sent à chaque page le feu couver sous la glace, la passion sous les mots :

[...] Ma vie demeurera présente dans cette lettre jusqu'à ce que tu en aies achevé la lecture. Dès l'instant que tu l'auras ouverte, que tu auras commencé à la lire, tu y retrouveras la chaleur de ma vie. Et pendant quinze ou vingt minutes jusqu'à ce que tu en aies lu le mot final, cette chaleur se répandra dans ton corps entier.

BMR & MAM - Paris - 63 ans - 8 août 2007


Présentation originale 8 étoiles

Je me range à l'avis des autres critiqueurs qui ont apprécié ce livre.
L'originalité de la mise en scène du drame (trois lettres, trois angles de vue, trois sensibilités) y entre pour beaucoup.
Mais comme Saule, je me suis sentie comme « extérieure » à la narration.
Il n’en reste pas moins que le livre est bien écrit et, surtout, que l’auteur a des choses à nous dire !

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 30 juillet 2002


A ne pas oublier... 9 étoiles

Ne pas oublier dans la littérature japonaise des tout grands comme Mishima et Tanizaki. Il est étonnant, dans cette littérature de trouver à la fois une aussi grande finesse et une grande violence de sentiments, une grande pudeur et l'impudeur la plus totale. C'est une littérature pleine de contrastes et on découvre vraiment une autre façon de penser, une autre civilisation aux aspects souvent bien différents des nôtres.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 26 juillet 2001


A la decouverte de la littérature japonaise. 8 étoiles

c'est selon moi un livre à lire si on veut commencer à lire du japonais.
c'est fabuleux et le style est très intéressant. j'ai adoré et depuis découvert d'autres auteurs, comme Yoko Ogawa, ou plus célèbre Kawabata.

Chat pitre - Linkebeek - 53 ans - 26 juillet 2001


Aimer ou être aimé ? 9 étoiles

Chacun répondra à la question pour lui-même !
Pour les étudiantes japonaises de Inoué, la réponse est claire; elles veulent toutes connaître le bonheur d'être aimée.
Une vision romanesque de l'amour, bien différente de celle de Carson McCullers dont j'ai lu les livres juste après, pour qui "Celui qui est aimé a toute les raisons de craindre et de haïr celui qui aime. Car celui qui aime est tellement affamé du moindre contact avec l’objet de son amour qu'il n'a de cesse de l'avoir dépouillé, dut-il n'y trouver que douleur".
Deux sensibilités différentes, pour deux auteurs de cultures différentes, mais tous deux très beaux à lire.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 31 mai 2001


Aimer, être aimé 10 étoiles

Pour ma part, j'ai retenu ce passage. Lors d'une classe d'anglais, à l'occasion de l'apprentissage des formes actives et passives du verbe, une fille fait circuler un papier sur lequel étaient posées ces deux questions : «Désires-tu aimer? Désires-tu être aimée?». A peu près toutes les filles ont répondu «être aimée».
Et Saiko, à l'heure de la mort, conclut : «Je reçois le châtiment mérité par une femme qui, incapable de se contenter d'aimer, a cherché à dérober le bonheur d'être aimée.»
Il me semble que tout le roman d'Inoué est dans cette réplique.

Vigno - - - ans - 31 mai 2001