Bleu de Perse
de Anne Rivier

critiqué par Sahkti, le 12 juillet 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
L'Iran des désillusions
"Bleu de Perse" est le premier roman de Anne Rivier, une chroniqueuse suisse romande ("Domaine public"). Un roman autobiographique pourrait-on dire dans lequel Anne Rivier se raconte à travers la vie de son héroïne Hélène Weber. L'auteur a passé quatre ans en Iran après son mariage en 1969, ce texte, c’est son regard sur cette période et sa vie de jeune femme. Un regard lucide, marqué par le recul de l’auteur aujourd’hui cinquantenaire, qui dresse un portrait peu flatteur mais très attachant de son personnage principal, une femme un brin bourgeoise agaçante, placée au contre d’un tas de malentendus et d’incompréhensions entre deux cultures, entre un mari et sa femme, entre une femme et un pays.

Hélène est jeune mariée. Petit à petit, elle ne reconnaît plus son mari, elle n’est plus certaine que c’est bien l’homme qu’elle voulait épouser. Jean est un coopérant militant, fou de son travail au point de lui sacrifier sa vie. Il est maladroit, il oublie Hélène.
Alors qu’elle se trouve sur un vol l’emmenant à Téhéran, Hélène fait la connaissance d’un homme d’affaires turc qui va bouleverser sa vie. Il l’énerve et la séduit en même temps (ça ressemble par moments à Lost in Translation de Sofia Coppola, cette ambiance ambiguë et cette amitié éphémère mais profonde). C’est le déclic, Hélène ne passera qu’une année en Iran, elle n’en peut plus, elle réalise qu’elle a perdu ses illusions et sa volonté.
A côté d’Hélène et de son désarroi, on croise le chemin d’autres personnages empêtrés dans leur chasse aux repères. Jean Weber lui-même finit par perdre sa foi, les croisades humanitaires doivent-elles réellement prendre le dessus ? Et le Docteur Humit Erkan, mourant, qui voit défiler sa vie. Sans parler de sa fille Deniz que la belle-famille n’accepte pas, qui finit par quitter l’Allemagne (son mari y est psychiatre) pour retourner vers Istanbul et ses racines.

C’est un beau portrait d’êtres perdus en quête d’eux-mêmes que nous livre Anne Rivier. Elle s’y raconte mais parle également avec beaucoup d’amour de l’Iran, de ses mystères et de ses règles de vie. Il peut être compliqué de s’y retrouver pour une jeune occidentale empreinte d’idéalisme venu suivre un mari désireux de guérir le monde de ses malheurs. Ce n’est pas une histoire gaie, il y a une forme de défaitisme dans les propos de l’auteur mais c’est dans le cas présent bien plus efficace qu’un guide de voyage ou un documentaire pour apprendre à garder les pieds sur terre en face de clivages culturels et sentimentaux.