Jonas
de Jacques Chessex

critiqué par Sahkti, le 8 juillet 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Un auteur se souvient
Un autre Chessex, un de plus, entre fiction et réalité. L'errance d'un écrivain vaudois, Jonas Carex, ancien marchand d'art dont l'écriture s'est éteinte et qui se rend à Fribourg. Pèlerinage de quelques jours, retour à la source originelle, celle qui l'a vue grandir et aimer. Il y retrouve, un peu par hasard, Anne-Marie, amour de jeunesse qu'il a quittée trente ans plus tôt. Jonas découvre qu'elle a eu un enfant, le sien et que ce garçon prénommé Etienne est mort à dix-sept ans. Retrouvailles douloureuses sur fond de volutes alcoolisées. Jonas boit. Il ne sait plus faire que ça. Dès le petit matin. C'est triste et désabusé.

Plongée en eaux profondes dans le désespoir d'un écrivain qui n'a plus goût à rien. Chessex nous dresse le portrait d'un homme assez insupportable. Un auteur en lutte avec une inspiration qui fiche le camp. Un homme qui passe beaucoup de temps à se contempler le nombril et à se cacher derrière un verre d'alcool. C'est vite énervant ce type qui ressasse ses malheurs et disserte sur une baleine et un mythe biblique. L'écriture de Chessex est lyrique et emportée, les digressions sont nombreuses et une certaine érudition relève le texte. Ce n'est pas vraiment elle qui m'agace, c'est plutôt le sujet abordé, cette histoire d'un auteur fini buveur invétéré qui aime maladroitement. Sur ce point, Chessex a réussi son coup, il a donné vie à Jonas Carex, au point que le lecteur finit par détester celui-ci et avoir envie de le frapper pour qu'il se remue un peu.
Je me rends compte en refermant le livre que je ressens chaque fois la même chose face à un bouquin de Jacques Chessex: malaise face à la réalité fictionnelle et colère contre un héros détestable. Ces thèmes sont un leitmotiv profondément ancré chez cet auteur suisse romand, il en joue sans aucune difficulté apparente.