Cahiers de poèmes
de Emily Brontë

critiqué par Fee carabine, le 6 juillet 2005
( - 50 ans)


La note:  étoiles
L'autre visage d'Emily
Emily Brontë est passée à la postérité comme l'auteur d'un seul livre, son fameux "Hauts de Hurlevent". Et l'on oublie souvent qu'elle commença à écrire de la poésie dès la fin de son adolescence pour ne cesser que quelques mois avant sa mort. Certains de ces poèmes furent d'ailleurs publiés dans un recueil reprenant aussi des textes de ses deux soeurs, Anne et Charlotte, un an avant "Les Hauts de Hurlevent". C'est une sélection de ces poèmes, qu'Emily Brontë elle-même avait jugé dignes d'être publiés, qui nous est proposée ici par Claire Malroux, qui en signe également la traduction.

Ces "Cahiers de poèmes" nous offrent trois types de textes:

- Des poèmes d'inspiration nostalgique, chantant la beauté des landes du Yorkshire, et qui furent pour la plupart écrits alors qu'Emily séjournait au loin (notamment à Bruxelles). Des textes profondément émouvants, qui évoquent les paysages aimés dans une langue simple et musicale, sans fioriture inutile mais en accordant une grande attention au moindre détail, à la moindre clochette de bruyère:

"The blue bell is the sweetest flower
That waves in summer air
Its blossoms have the mightiest power
To soothe my spirit's care

There is a spell in purple heath
Too wildly, sadly dear
The violet has a fragrant breath
But fragrance will not cheer"

"La campanule est la fleur la plus suave
Ondoyant dans l'air de l'été
Ses clochettes ont le suprême pouvoir
D'apaiser le souci de mon âme

Il y a dans la pourpre bruyère un charme
Trop violemment, tristement cher
La violette a une haleine parfumée
Mais le parfum ne peut égayer"

- Des textes d'inspiration "métaphysique" où l'âme exilée déplore ses souffrances et exprime son aspiration au repos éternel. Des textes dont la noirceur a de quoi laisser songeur, mais qui n'en sont pas moins émouvants dans leur simplicité et l'impression de sincérité qui s'en dégage...

"Riches I hold in light esteem
And Love I laugh to scorn
And lust of Fame was but a dream
That vanished with the morn -

And if I pray - the only prayer
That moves my lips for me
Is - 'Leave the heart that now I bear
And give me liberty'

Yes, as my swift days near their goal
'Tis all that I implore -
Through life and death, a chainless soul
With courage to endure! -"

"Je fais peu de cas des richesses,
L'Amour, je le tiens en mépris
Et le désir de Gloire ne fut qu'un rêve
Au matin évanoui -

Si je prie - la seule prière
Qui pour moi remue mes lèvres
Est - 'laisse le coeur que je porte
Et donne-moi la liberté'

Oui, mes jours brefs approchant de leur terme,
C'est tout ce que j'implore -
A travers vie et mort, une âme sans chaînes
Et le courage d'endurer! -"

- Des poèmes narratifs, qui se rattachent à la saga de Gondal, oeuvre commune d'Emily Brontë et de ses frère et soeurs, une grande saga épique pleine de prisonniers croupissant au fond de donjons, de duels et d'amours impossibles... Tout cela est fort joliment raconté... mais dans l'ensemble, ils m'ont paru moins convaincants que les textes où Emily Brontë laisse libre cours à son inspiration mélancolique sans lui chercher de prétexte narratif.