Madame Angeloso
de François Vallejo

critiqué par Isaluna, le 21 juin 2005
(Bruxelles - 67 ans)


La note:  étoiles
on ne voit pas ce qu'on voit...
Madame Angeloso, ancienne tenancière d'un petit hôtel à Dunkerque, meurt dans une collision de sa voiture avec le train Varsovie-Bruxelles. Coincidence : madame Angeloso, comme son nom ne l'indique pas, est polonaise. Coincidence encore : à bord du train voyageait le Dalaï-Lama, ce qui vaudra à la morte une célébrité posthume.
Durant les jours qui suivent sa mort, trois personnages parleront d'elle, construisant peu à peu pour le lecteur une figure multiple, à la fois magnifique et pitoyable. Il y a d'abord son fils, énorme gaillard adipeux fort malencontreusement prénommé Angelino, qui déverse son fiel à l'encontre d'une mère qu'il accuse de ne l'avoir jamais aimé; puis Coquemar, vérificateur de sécurité de navires, qui entretenait avec Madame Angeloso des relations d'amitié amoureuse pleines de non-dits; et enfin Danuta, la jeune femme de chambre polonaise que Madame Angeloso a toujours protégé.
Mais ce portrait est-il bien fidèle à ce que fut Madame Angeloso? Seule elle pourrait le dire car, comme elle aimait à le répéter "on ne voit pas ce qu'on voit..."
Un récit dans lequel on rentre à petits pas, et dans lequel on reste fasciné par le personnage qui apparaît peu à peu dans toute sa complexité sous les regards croisés, comme la photo apparaissant peu à peu dans le révélateur.
Qui est vraiment Madame Angeloso ? 7 étoiles

François Vallejo a le chic pour croquer des personnages forts en quelques lignes. C'est une fois de plus le cas avec Madame Angeloso, tenancière d'un hôtel à succès à Ostende qui se retrouve plus tard à la tête d'une modeste pension de famille à Dunkerque suite aux malversations de son mari aujourd'hui en prison. Dans ses (més)aventures, son fils Angelino, affreux personnage, la suit, tout en traumatisant la clientèle et en cherchant à tout prix à faire fuir les clients. Une attitude qui n'a pas découragé les fidèles tels Mr Coquemar, inspecteur de navires, amoureux de Mme Angeloso, ainsi que Danuta, vague parente éloignée de Pologne devenue femme de chambre dans l'établissement.
Ce sont ces trois personnages principaux qui vont nous raconter la vie et l'histoire de Mme Angeloso. Pas de versions réellement contradictoires ou différentes, simplement des tranches subjectives, avec pour chacun son petit bout de la lorgnette. Un procédé qui permet de dresser au fil des pages un portrait complémentaire de l'intéressée, sans pour autant être totalement complet car une part du mystère demeure du début à la fin sur les raisons de l'accident et les derniers mois de Mme Angeloso.

L'écriture de Vallejo est ample, ronde et attachante; on devine l'affection ressentie par l'auteur pour ses personnages et ce destin déchiré, gourmand et fragile à la fois. Mme Angeloso est agaçante et émouvante, elle fait naître une variété bigarrée de sentiments à son égard, tout comme les autres protagonistes du livre, avec un point commun pour chacun: une proximité au lecteur perceptible dès les premières lignes du roman.
Une lecture agréable.

Sahkti - Genève - 50 ans - 21 août 2010