Hôtel de la Lune oisive
de William Trevor

critiqué par Sahkti, le 16 juin 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Cruauté à l'irlandaise
William Trevor excelle dans la nouvelle. Il le prouve une fois de plus avec ces dix histoires d'une égale qualité. Des récits qui font parfois pénétrer le lecteur dans l'intimité des personnages, dans les bassesses de la société, mais qu'à cela ne tienne, le monde est ainsi fait et il faut bien le contempler tel qu'il est… pas toujours joli!
Trevor est irlandais, il aime son pays et y plante souvent le décor de ses récits mais le cadre de chaque nouvelle dépasse largement celui de cette terre sublime pour s'universaliser et s'appliquer à quasi chaque endroit du globe. Comme par exemple dans la nouvelle intitulée "C'est arrivé à Drimaghleen", tournant autour de journalistes véreux n'hésitant pas à travestir les infos et se servir de la misère humaine pour nourrir les rapaces et les avides de scoop en tout genre. Ou la nouvelle qui parle d'un couple soi-disant tombé en panne de voiture et qui profite honteusement d'une hospitalité spontanément offerte.

Je ne vous résumerai pas chaque nouvelle car ce serait dès lors les déflorer un peu et leur faire perdre de leur charme, je vous laisse les découvrir.
Des textes pas toujours gais, souvent durs, voire glauques.
Trevor se détourne volontiers des sentiers battus pour s'enfoncer sur des chemins que d'autres éviteraient. Il y a beaucoup de souffrance et de désarroi dans les destins de ces êtres qu'il couche sur papier, des gens que l'on observe avec effroi ou pitié et peu à peu, on se rend compte que de tels êtres, il y en a partout, depuis toujours, et que ça pourrait être notre voisin ou, pire, nous-mêmes.
Trevor semble aimer les êtres abjects et hypocrites, il jongle avec la perversité comme d'autres alignent les sentiments à l'eau de rose. J'aime ça, beaucoup. Cette façon de dépeindre son prochain, sans concession, avec énormément de justesse et une lucidité à faire peur. Rien n'est caricatural ou surréaliste, tout sent le vrai et le vécu. De quoi en frissonner par moments!
Dix nouvelles, dix moments de plaisir à savourer longuement, ça en vaut la peine. L'écriture est toujours aussi belle, le rythme balancé et ces introspections de l'âme me paraissent de plus en plus abouties. Bravo Monsieur Trevor!
Triste monde 8 étoiles

Ces nouvelles sont de très grands moments de littérature, la méchanceté de Trevor William ne s’émousse pas. L’intrusion d’un couple dans la vie de personnes âgées, allant jusqu'à les dépouiller, est d’une malveillance extraordinaire, dans la nouvelle donnant son titre à l’ouvrage. A lire pour ceux qui veulent découvrir Trevor William.
Mon seul reproche concerne le contenu de ce livre, 10 nouvelles soit, mais 5 seulement sont des inédites, 2 sont en effet des retraductions (nécessaires peut-être ?). Trois autres font partie d’un petit recueil, hors commerce d’accord mais il était nécessaire d’acheter deux ou trois ouvrages chez cet éditeur. Mais pour avoir fait découvrir Hugo Hamilton et pour la réédition de Flann O’Brien, il sera beaucoup pardonné aux éditions Phébus.

Eireann 32 - Lorient - 76 ans - 24 août 2005