Le chasseur de têtes
de Timothy Findley

critiqué par Sahkti, le 2 juin 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Dans l'ombre de Joseph Conrad
Tout commence avec Lilah Kemp, ancienne bibliothécaire schizophrène, qui a le don de faire sortir les personnages des livres. Un jour de lecture, plongée dans l'oeuvre de Conrad, elle donne vie à Kurtz, le drame n'est pas loin.
Suivent alors une succession de situations et de personnages longuement détaillés. On ne tarde pas à s'apercevoir que tous ces destins sont liés, parfois de manière très intime. Même Timothy Findley se glisse dans le bouquin, sous la forme d'un patient névrosé qui passe son temps à écrire des histoires. Joli clin d'oeil.
Nous nous trouvons dans le centre psychiatrique de Parkin, établissement réputé et à la pointe de la recherche, dans lequel Kurtz et son équipe se livrent à quelques expériences douteuses. Au fil des pages, le lecteur est pris d'effroi devant la révélation des exactions commises. Le monde dans lequel nous plonge Findley est celui de la névrose médicale mais aussi de la folie humaine. Une maladie qui se répandrait sur toute la planète, la sturnucémie, incurable et impitoyable, serait véhiculée par les oiseaux. Du coup, des escadrons de la morts sillonnent les villes et abattent, massacrent devrais-je dire, toute forme de vie animale. Monde du chaos et des extrémismes, il y a un petit côté "1984" dans cette manière d'imposer la loi des plus hauts aux plus bas.
A un moment donné arrive Marlow. Kurtz, Marlow... nous voilà plongés en plein "Au coeur des ténèbres". Médecin lui-aussi, il aura pour mission involontaire de découvrir les horreurs commises par ses pairs. Aidé pour cela par Lilah Kemp. Cette intrigue est l'occasion pour Findley de brosser une galerie de personnages étonnants, allant de la gamine alcoolique à la mère nymphomane, en passant par une propriétaire de galerie éthérée, un artiste atteint du sida ou une poète maudite.
Ce roman fourmille de détails, bien plus encore que dans les autres récits de Findley. Une écriture un peu différente cette fois. Moins de sentiments, plus de noirceur et toujours cette misère humaine qui apparaît ici sous la forme d'une classe bourgeoise dépendante de ses moeurs les plus vils. Assez noir, prenant, à suivre avec attention pour ne pas s'emmêler les pinceaux dans les nombreux personnages qui vont et viennent et se connaissent tous d'une manière ou d'une autre.
Un très bon Findley, un roman abouti à l'écriture grave et élégante.