Les mangeuses de chocolat
de Philippe Blasband

critiqué par Fee carabine, le 31 mai 2005
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Passion dévorante...
Argument des plus simples pour cette pièce de Philippe Blasband: trois femmes en proie à une passion dévorante pour le chocolat et désireuses de se désintoxiquer prennent part à une thérapie de groupe. Trois femmes qui sont là, chacune avec son passé, ses fêlures, sa susceptibilité. Trois femmes qui ont chacune leurs préférences chocolatées: le noir-le pur-le fondant, le lait voire même le dessert 58, créé comme l'atomium spécialement pour l'expo, ou le blanc - et les manons parce que "d'abord il y a la croûte: glacée, satinée; puis, quand on introduit la Manon dans sa bouche, on croque, la croûte craque et la crème gicle dans le palais". Trois femmes, et une thérapeute qui s'acharne à trouver chez ses patientes un "événement déclencheur", une thérapeute qui se cramponne presque désespérément à ces deux petits mots et dont on se dit très vite qu'elle n'est pas aussi neutre qu'il le faudrait...

Alors, bien sûr, il est beaucoup question de chocolat dans cette pièce, des différentes façons de le consommer et des mérites comparés des chocolats Jacques, Callebaut, et Côte d'or, de quoi amener le sourire aux lèvres du public belge, même si le chocolat Côte d'or n'est plus le même depuis qu'il est devenu suisse... Et on a d'autant plus envie de sourire qu'on se dit que, vraiment, il y a des choses plus graves dans la vie que de manger un peu - beaucoup - trop de chocolat. Mais derrière la légéreté apparente du propos, Philippe Blasband nous livre une observation très fine du comportement d'un groupe de gens qui se sont réunis pour effectuer une remise en question profonde. On retrouve ici toute la vulnérabilité, l'espèce d'équilibre émotionnel instable et les débordements que cette situation entraîne, tout cela traité avec élégance, pudeur et une pointe d'humour. Bref, Philippe Blasband nous offre avec ces "mangeuses de chocolat" une gourmandise nettement plus consistante qu'il n'y paraît à première vue.

Et dernière petite chose, si vous êtes amateurs de chocolat et que vous ne souhaitez nullement vous défaire de cette douce manie, vous pouvez lire cette pièce en toute tranquillité. Je peux vous assurer que vous serez toujours capables de savourer votre douceur préférée en arrivant au terme de votre lecture - voire même pendant votre lecture. Je vous conseillerai simplement d'éviter le chocolat Jacques au lait, d'abord parce que ce n'est pas du bon chocolat, et surtout pour une raison que vous découvrirez à la fin de la pièce...