Ce bon Staline
de Victor Erofeev

critiqué par THYSBE, le 17 mai 2005
( - 66 ans)


La note:  étoiles
L’abdication d’un père
« J’ai finalement tué mon père…Ce matin là, en m’examinant dans le miroir ovale de la salle de bains, j’ai découvert que mes tempes avaient grisonné en l’espace d’une nuit. J’allais sur mes trente-deux ans. C’était l’hivers le plus froid de mon existence. »
Voici comment Victor Erofeev nous introduit dans son univers personnel et intime. Il nous promène dans toute l’histoire de sa famille pendant plus de 300 pages avant de nous apprendre la cause de ce terrifiant aveu.
Sur fond d’évènements historiques et sociaux, Victor témoigne sur ce père garant du discourt soviétique à travers différents pays dans les ambassades sous diverses fonctions. Entre autre à Paris où la famille Erofeev fréquente des intellectuels français et artistes dont Picasso, Montant et Signoret, ainsi que de nombreux hommes politiques de l’époque.
C’est en l’occurrence un roman biographique et historique sur le discours Stalinien qui perdure même après le mort de ce « papa du peuple ».
Victor est à la fois élevé dans les valeurs communistes et dans le confort capitaliste. Cette grande ambiguïté l’amènera tout naturellement à rompre avec les idées du parti. Rien ne pouvait le faire plier, sauf peut-être une parole de son père.
Ce livre est écrit avec beaucoup de pudeur sur toutes ces années de totalitarisme.
Victor Erofeev passe du récit à la confession, de la biographie au roman. Il tempère les faits de façon à justifier cette époque.
J’ai retrouvé à travers ce récit certains moments de l’époque que ma mémoire m’a laissée mais un peu plus de repères chronologiques auraient été préférables pour optimiser la datation des évènements. En effet, V.E. utilise le procédé de l’écriture en arrière qui nous fait rentrer dans le style du roman. Pas complètement innocent cette façon de rédiger, cela le dédouane d’une certaine franchise qui a du mal à s’établir de par son éducation et la politique de son pays. Mais, ce témoignage sera en quelque sorte l’autre côté du miroir.
Ce qui me restera de ce livre, c’est l’indulgence faite au Stalinisme, une espèce de syndrome de Stockholm .
Victor Erofeev est en quelque sorte, de par son éducation, un compromis entre le communisme et le capitalisme.
Un beau témoignage détaché et naïf d’une enfance peu ordinaire. C’est sa façon de dire merci à son père et de lui montrer toute son affection. Un bel hommage.
Fils d’apparatchik 8 étoiles

Sous un titre provocateur, Victor Erofeev nous livre sa biographie, en particulier son enfance comme fils d’apparatchik jusqu’à sa rébellion vis-à-vis du pouvoir soviétique et, par voie de conséquence, vis à vis de son père.
Cette biographie est aussi un peu celle de ce père hors du commun, entre diplomate et agent de propagande depuis la deuxième guerre mondiale au Royaume-Uni jusqu’à l’Autriche des années 70 en passant par le Kremlin dans le service de Molotov, le poste d’attaché culturel à Paris et celui de représentant de l’Union Soviétique à l’UNESCO. Autant dire que Victor n’a pas connu les privations, même si le retour pour ses études à la grisaille de Moscou contrastait avec la gaieté parisienne. Mais si son père est resté inébranlablement fidèle au régime, le virus de la liberté a été inoculé à Victor Erofeev qui publie avec une poignée d’autres écrivains un recueil qui choque à la fois par le ton et la forme le pouvoir en place… Faut-il choisir la famille ou le pouvoir ?
Un témoignage historique passionnant et plein d’humour, et un hommage à son père.

Romur - Viroflay - 50 ans - 3 février 2018