Passage des émigrants
de Jacques Chauviré

critiqué par Sahkti, le 11 mai 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Apprendre la vieillesse
Dernier volume de la "trilogie médicale" de Jacques Chauviré, qui a débuté avec "Partage de la soif" et s'est poursuivie avec "Les Passants".
Nous sommes toujours en compagnie du Docteur Desportes, ayant abandonné son cabinet de la banlieue ouvrière pour une maison de retraite, la Résidence des Cèdres, qui dispose d'un hospice où meurent des vieux abandonnés.
Joseph et Maria Montagard arrivent un jour dans cette maison de repos. Ils ne sentent pas encore la fin de vie leur chatouiller le nez, ils se disent que c'est pour être plus près de leur fils, que cela ne signifie en rien que c'est la fin de quelque chose. La vie s'installe dans sa routine et le temps figé déteint sur eux. Joseph s'ennuie, il jardine pendant que Marie bavarde à droite et à gauche. Du fils, il en sera désormais très peu question. Un jour Marie s'en va pour de bon et Joseph se retrouve complètement perdu, au point de prendre à son tour la route de l'hospice, véritable mouroir délabré dans lequel on vient attendre que la mort vous happe. On assiste à son déclin, comme si il se fanait. Le Docteur Desportes a la charge de ces êtres en fin de vie et on le suit dans ses déambulations, consterné par l'immobilisme de l'endroit, une maison comme il en existe tant d'autres un peu partout, et attentif à cette mort qui s'annonce. Le climat se fait de plus en plus lourd, une tristesse s'installe, on redoute cette disparition des liens sociaux, on observe la modification de la société qui place ses vieux dans des maisons d'attente du grand départ et puis on tente d'apprivoiser la vieillesse, omniprésente dans ce texte de Chauviré, qui la dissèque de fond en comble ("Tout corps prépare sa propre déchéance. La mort n’est qu’un suicide méconnu").
C'est un texte très poignant par moments, qui effraie un peu. On se dit qu'on ne voudrait pas terminer comme Joseph et Maria mais que, peut-être, nous n'aurons pas le choix. On fait des projets, on se dit qu'on aimerait ceci et cela mais personne ne peut garantir de quoi demain sera fait… angoissant et pas tout le temps réjouissant.