Les passants de Jacques Chauviré

Les passants de Jacques Chauviré

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sahkti, le 11 mai 2005 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 49 ans)
La note : 7 étoiles
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Accompagner la mort

C'est l'histoire du Docteur Desportes, un médecin d'usine qui ouvre un cabinet à Jullianges, dans la banlieue ouvrière stéphanoise. Une ville comme tant d'autres, ni belle ni moche, avec son lot de souci et aussi de tranquillité. Il y a les conversations de bistrot, les coups de gueule, les propos limite racistes ou très terre-à-terre… c'est la France de tous les jours. Le Dr Desportes n'a qu'un objectif et c'est ce qui le motive: soigner et guérir les autres. Seulement tout le monde ne guérit pas, il y a ceux qui meurent (et ça fait du monde), alors le Dr Desportes les accompagne sur ce chemin tantôt douloureux, tantôt paisibles. Et il nous raconte ces gens qu'il aide et assiste, qu'il écoute et observe, il nous brosse le portrait d'êtres désemparés face à la mort et à la maladie.
Ce Docteur Desportes, c'est Jacques Chauviré lui-même, un homme dont la profession lui fait quotidiennement côtoyer la mort dans une sorte d'impuissance révoltante. Parfois il se résigne, d'autres fois non et toujours, il s'interroge sur la vie et ce grand départ que nous connaîtrons tous un jour.
Outre ces nombreuses interrogations personnelles, Jacques Chauviré nous livre également un portrait intéressant et par moments croustillants de la France profonde des années 60, une France qui ne va pas si bien que ça et qui prépare des années pas très joyeuses ("Nous sommes devenus des prolétaires spirituels. Nos lendemains ne chantent pas").
On pourrait reprocher à l'auteur une certaine naïveté et une pointe de lyrisme qui le poussent à trop aimer cette population, mais peut-on vraiment reprocher à quelqu'un son humanité? Derrière toutes ces lignes, il y a un homme qui s'interroge et ne cessera jamais de le faire, dans toute son œuvre. On a beau dire et répéter que la mort, c'est banal et que nous y passerons tous, que c'est pas beau et révoltant, il n'en demeure pas moins que lorsqu'on y est confronté tous les jours, ça marque et qu'il faut entamer une thérapie personnelle pour apprendre à vivre avec elle. J'ignore si la démarche de Chauviré lui aura été salutaire et si le jour de son grand voyage, il est parti apaisé… c'est un tout cas un homme tourmenté qui questionne beaucoup dans ce texte et ça ne peut que nous interpeller à notre tour.

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