La partie d'échecs indiens de François Emmanuel

La partie d'échecs indiens de François Emmanuel

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Lucien, le 11 avril 2005 (Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans)
La note : 9 étoiles
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Perdre pour renaître

Publié d’abord en 1994 aux éditions de la Différence, ce troisième roman de François Emmanuel (après "Retour à Satyah" et "La nuit d’obsidienne") a fait l’objet d’une seconde édition, revue, chez Stock en 1999. Il est possible de l’aborder sous l’angle d’une enquête policière (« je cherche un homme ») dans l’esprit d’"Emmène-moi à Nasielski" ou de "Melody est morte", deux nouvelles publiées dans le recueil "Grain de peau", mais la quête est évidemment bien plus vaste, bien plus haute que dans un simple polar.

La structure du récit s’articule autour de quatre lieux : Palerme, Isola delle femmine, Sevounko, Quilon. Sorte de tour du monde qui mène le narrateur, de piste en piste, toujours plus loin (de quoi ?), un peu comme le Guy Roland de "Rue des Boutiques obscures".

Tout commence à Palerme pour le narrateur, Amadeo Seguzzi, devenu inspecteur de police parce que le violon, ce n’est pas un « vrai métier », mais qui décide de quitter son emploi le jour où il gifle une Indienne à toute volée, donnant ainsi raison à la première femme de sa vie qui l’avait traité de « sale flic ».
On ne quitte pas la police ainsi… Amadeo devra d’abord mener une dernière enquête (on lui fait bien comprendre qu’il n’a pas le choix…) : retrouver Anton Chaliaguine, un violoniste – un vrai, celui-là, ex-policier aussi... – dont il fut le partenaire l’année précédente au cours d’une partie d’échecs indiens, une Chaturangua, qui se joue à quatre.
La fiche de Chaliaguine révèle un personnage animé d’une « fureur tranquille » (l’expression presque identique de « furie tranquille » désignera le Tadeusz Gerzinski de "La chambre voisine"), suicidaire et brisé depuis la mort par overdose de sa fille unique.
C’est le début pour Amadeo d’un long jeu de piste à la recherche de cet alter ego violoniste, son partenaire de la partie d’échecs indiens.
La première étape de ce jeu de l’oie : Lisa Morgado, liaison de Chaliaguine, chanteuse de bar, camée, amie de Natalia, la jeune fille morte. Lisa qui comprend qu’Amadeo n’est pas qu’un ami d’Anton. Lisa qui flaire en lui le flic, mais qui deviendra sa maîtresse, comme si cela aussi, il devait le partager avec Anton, et qui lui demandera de le retrouver pour elle, et qui lui donnera un autre lambeau de piste : Agafia.

Agafia, la première femme d’Anton, lui révélera l’existence du vieux luthier chez qui Amadeo ne trouvera rien, que l’allusion à un Guadagnini, un violon magique transmis à Anton comme si l’instrument lui-même l’avait choisi comme seul capable de faire vibrer son "âme". Puis d’autres traces, celle de Sara Soon une autre intime d’Anton, celle d’Almenia Faldes, une amie de Natalia. Longue quête qui amènera le détective, entre autres, sur l’Isola delle femmine, l’île des femmes, l’ancienne prison des femmes, comme si d’elles seulement pouvait jaillir la vérité cachée. Et c’est une femme, Lisa, qui entrouvre un peu plus la porte du secret : Anton a écrit ; il sait qu’Amadeo le suit ; il l’invite à Saint-Pétersbourg.

A Saint-Pétersbourg, toujours pas d’Anton. Mais sa sœur, ou demi-sœur, Irina ; et Ania, "guide" au musée de l’Ermitage : « J’étais toujours mené », toujours guidé par une femme, jusqu’à la dernière, Galina, la « très vieille amie » chez qui Amadeo rencontre enfin Chaliaguine, retrouve enfin ce partenaire, ce compagnon, ce frère qui est aussi l’objet de sa mission. Un Anton malade, mourant peut-être mais « il est écrit dans un tantra que l’on ne peut progresser dans son âme qu’avec ce qui cause notre chute ». Suivent des pages magnifiques et fraternelles où le chasseur et le chassé, dépassant les fragiles différences administratives, joueront à deux violons face à la mer le "Largo" de Verracini avant qu’Anton, éprouvant l'appel du "large", se baigne nu dans la mer comme pour un nouveau baptême : « La mort vient parce qu’elle doit venir, chaque chose est à sa place. » Puis, la transmission du Guadagnini (« c’est le violon qui choisit ») et ce dernier souhait d’Anton : « j’ai promis d’aller jouer en Inde, à Quilon »…

Quilon où s’achève la quête après la rencontre d’un sannyasin, quelqu’un qui a réalisé l’expérience de tout perdre car « perdre était la seule voie des transformations, si l’on ne passait pas par là, on serait face au terme comme au seuil d’un néant obscur et effrayant ».
Quilon, la mer et un violon. Le Guadagnini que joue… Amadeo ? Anton ? Quelle importance quand il s’agit de mourir pour renaître ?

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Les éditions

  • La partie d'échecs indiens [Texte imprimé], roman François Emmanuel
    de Emmanuel, François
    Stock / Littérature Française
    ISBN : 9782234051461 ; 18,50 € ; 05/05/1999 ; 275 p. ; Reliure inconnue
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