Invitation au supplice
de Vladimir Nabokov

critiqué par Kafk-athée., le 10 avril 2005
(Besançon - 36 ans)


La note:  étoiles
Invitation au délice
Heureusement pour moi je suis sur un site de passionnés pour passionnés, et la subjectivité se doit donc d'être de rigueur! Il m'aurait en effet été très difficile de garder toute mon objectivité durant la critique de ce livre tellement celui-ci m'aura plu! Bah, de toute manière c'est avec la subjectivité que l'on fait le mieux ressentir sa passion aux autres... n'est ce pas? Invitation au supplice nous conte ainsi l'histoire de Cincinnatus C..., personnage détenu dans une prison extravagante, occupé par un personnel étrange qui tous possèdent des comportements échappant à la logique et au normal... de l'avocat qui se préoccupe plus de ses boutons de manchettes disparus qu'au sort de son client , jusqu'au bourreau qui tente vainement de faire ami-ami avec ce dernier sous couvert d'une fausse identité pour ne pas trop le brusquer le jour de son exécution.... Tous présentent des comportements irréels... Ici, impossible de ne pas faire le rapprochement avec Kafka ( mon maître, mon Dieu! ), le personnage angoisse face à la date indéterminée de sa mort, son existence ainsi que celle des autres paraissent absurdes et le thème de la solitude est bien présent... Le personnage de Cincinnatus reste un mystère tout le long du livre, et c'est la découverte de sa véritable identité qui fait le suspense de l'oeuvre... Il ne fait absolument pas partie de notre monde et en conclusion, il part rejoindre le réel, lui bien tangible et immuable alors que derrière lui s'effritent les restes de cet univers qui semble rêvé par quelqu'un ou construit de toutes pièces... J'oserais même faire un lien entre Invitation au supplice et quelques peuvres de Philip K.Dick, où la réalité part en lambeaux et où le personnage retrouve sa vraie nature... Seul bémol: les premières pages sont difficiles à passer du fait de la bizarrerie ambiante, mais passé ce cap, il vous sera difficile de ne pas le terminer! Place à la subjectivité pure désormais! Ce livre m'a captivé, déconnecté du monde, il est au fond simple et sans prétention mais reste pour moi un de mes meilleurs moments de littératures!
Comme un fou qui se croit Dieu 10 étoiles

« Aux termes de la loi, le verdict de mort contre Cincinnatus C… lui fut annoncé à mi-voix. Tous s’étaient levés, échangeant des sourires. » Après quoi Cincinnatus est enfermé dans la forteresse dont il est le seul prisonnier dans l’attente de son exécution. Le personnel de la forteresse est des plus bizarres : le geôlier Rodion, le fantasque directeur Rodrigue, un avocat incapable, des gardes avec un masque de tête de chien. Tout ce petit monde l’accable de discours décalés par rapport à son état et lui reproche de ne pas jouer le jeu. Et Cincinnatus est rongé par la peur du supplice dont il ignore la date. Mais ce n’est pas le seul supplice dont il devra souffrir.
Le titre original en russe est « Invitation à la décapitation », mais traduit en français avec l’accord de Nabokov donne un meilleur « Invitation au supplice », un quasi oxymore alliant plaisir et souffrance. Comme toujours chez Nabokov on doit noter la science de la mise en scène, l’inventivité, les trouvailles littéraires. Invitation au supplice doit se regarder comme un objet d’art et non comme une simple histoire romanesque. Malgré le sujet on ne peut s’empêcher de sourire à l’humour grinçant de l’auteur. Les nombreux épisodes dialogués sont une pure merveille et nous font penser à du théâtre où se mêlent mascarades et déguisements ridicules. Un monde factice. La clef du roman est peut-être donnée par l’auteur en épigraphe : « Comme un fou qui se croit Dieu, nous nous croyons mortels. »

Ravenbac - Reims - 58 ans - 13 janvier 2012


Un livre troublant 10 étoiles

Effectivement, les premières pages désorientent un peu, le lecteur est perplexe, c'est... troublant.

Puis on s'attache vraiment à ce pauvre prisonnier, torturé par ses geôliers et, semble-t-il, très injustement condamné, si réellement condamné il est!!

Et c'est là une des caractéristiques les plus intéressantes de ce chef-d'oeuvre : rêve, réalité, pure poésie?

La psychologie du prisonnier, telle qu'elle me semble émerger du récit , le rapproche fortement du héros de Crime et châtiment de Dostoïevski ! On pourrait imaginer qu'il se torture lui-même pour finalement se convaincre qu'il aime la vie autant que les autres, qu'il fait partie de la famille.

Et si la fin n’était que le sortir d'un étrange songe... troublant, non?

Bravo Nabokov!

Biggy - Canterbury - 44 ans - 17 mai 2006


un petit bijou 8 étoiles

Quel est le vrai supplice auquel est soumis Cincinnatus ? Celui de ne pas connaître la date de son exécution et penser sans arrêt qu'il vit sa dernière journée ? Ou celui d'être confronté à une série de personnages, plus étranges les uns que les autres, qui ne manifestent pas la moindre empathie pour lui ?

Et surtout, le style de Nabokov, son écriture précise, ses descriptions minutieuses des petits détails, ses métaphores, sa poésie.

Mieke Maaike - Bruxelles - 51 ans - 27 juillet 2005