Un rêve américain
de Norman Mailer

critiqué par B1p, le 4 avril 2005
( - 50 ans)


La note:  étoiles
la part d'ombre
Il existe une quantité incroyable de romans où tout à l'air calculé. La longueur des phrases, le rythme, la portée des mots, l'étendue des effets.
Si je peux les lire et, dans une certaine mesure, les apprécier, je ne peux m'empêcher de penser que ces textes sortent tout droit des écoles ou des ateliers d'écriture, où tout tend à être calculé, normé, rentrer dans les standards. Une littérature confortable mais bien tristounette...
Et puis il y a les autres. Où rien ne semble avoir été calibré, où on évite de tomber dans les clichés faciles, où l'on cherche les recettes et les fils blancs et où on ne trouve rien de connu, rien de familier, et où l'on appareille donc porté par des sensations qui font penser qu'on prend part à une aventure.

"Un Rêve Américain" est parmi ces romans rares. Et dans le genre, il atteint une perfection qu'on croise rarement.

Stephen Rojack, vétéran de la 2nde guerre mondiale, psy médiatisé, vit séparé de sa femme Deborah, héritière d'un empire lourd de millions de dollars, mais véritable mégère se plaisant à le détruire par ses paroles assassines. Un soir de déprime, Steve va la voir, l'écoute, et, dans un accès de colère, la tue, puis la balance par la fenêtre en espérant faire croire au suicide. S'en suit le ballet des flics, des filles seules écorchées par la vie et le face-à-face avec le beau-père richissime qui déverse le poids de culpabilité et de surnaturel qui viendrait expliquer le destin tragique d'une lignée entière.

Ce qui fait la force du roman, c'est que Norman Mailer ne suit pas l'histoire au premier degré mais qu'elle semble se transformer en métaphore d'un combat entre le mal et le bien, un combat des valeurs qui ont fait l'Amérique, tout en évitant de dire ce qui doit triompher, autrement dit sans donner de leçon.
Toutes les scènes, même les épisodes de coït, se moquent des considérations matérielles pour déraper vers le métaphysique où le véritable enjeu est la part de paix et de damnation qui occupe l'esprit du héros, de vie et de mort puisque la vie n'a qu'ici peu d'importance comparée aux phases de la lune.

Mais ce que je dis ne décrit pas assez précisément encore le roman. Car ici il n'y a pas de débat, pas de thèse. La lutte, puisque lutte il y a, a lieu dans le héros lui-même sans qu'il essaye de trancher, et ce va-et-vient entre la vie et la mort, cette découverte de la part d'ombre et de lumière devient la quête auquel le lecteur finit par adhérer en se laissant entraîner dans la dérive de Steve Rojack.
Et puis il y a le style de Mailer où les images sont fortes bien que souvent mystérieuses, où le cancer, l'inceste, le sexe et la sérénité s'expriment systématiquement par autant de lieux baignés d'ombre et de clarté.

Faire l'expérience du "Rêve Américain", c'est avoir le courage de rentrer en soi, d'entrer dans une espèce de transe. Pas pour faire la part du bon et du mauvais. Seulement pour ressentir l'écho en soi des expériences du mal et du bien que traverse un héros meurtrier mais ô combien attachant.

(non décidément je ne suis pas parvenu à exprimer l'impression que j'ai eu en lisant ce roman. Mais je vous conseille d'en faire l'expérience par vous-même)
Mailer, un mystère pour moi... 1 étoiles

Rapide.
Je suis très déçu.
Je pensais découvrir une mine.
Je trouve que la plupart de ses images sonnent très faux. Ça veut faire littéraire et c'est artificiel et pas ressenti. C'est lourd et je ne parviens à respirer que quand il est dans le pur narratif ou dans les dialogues. Je ne pense pas y retourner un jour.
Mais essayez...

Cello1 - - 55 ans - 18 septembre 2021


L'ombre et la lumière 8 étoiles

La critique de B1p me semble véritablement parfaite ! Aussi, je lui emprunte une partie de mon titre.

La lutte entre Dieu et Diable, lumière et ombre, représente vraiment ce livre. Comme Dostoïevski le montre très bien dans "Souvenirs de la maison des morts" le Mal et le Bien sont en nous et luttent en nous tous.

Stephen passera de l'un à l'autre, du meurtre à l'amour le plus fou.

Son rêve ?... Faire un enfant que ce soit à la bonne allemande, Ruta, ou à la jeune Cherry, peu importe... Celui-ci représenterait le Bien que Stephen voudrait laisser derrière lui.

Pour le reste, il erre entre l'alcool et la violence. La mafia, la CIA, ou la simple police, constituent son environnement.

Oui Mailer écrit très bien, mais il n'empêche que par moment (le traducteur ?... Je ne crois pas) nous tombons sur des phrases ou des morceaux d'histoires assez nébuleux.

Dans ce livre les odeurs jouent un rôle très important et collent aux situations ou aux ambiances. Parfois ce sont elles d'ailleurs qui entraînent les situations. Les qualités d'écriture de l'auteur lui permettent de les décrire extrêmement bien.

Indiscutablement un très bon livre !

Jules - Bruxelles - 79 ans - 2 décembre 2007


De Mailer à Marie-Claire Blais 10 étoiles

J'ai lu ce roman il y a 40 ans, c'est-à-dire à sa sortie. B1p a écrit exactement ce qu'il fallait sur ce magnifique roman. On retrouve dans cette oeuvre tout ce que sous-tend la culture américaine. La lecture du roman est un exercice qui exige de la patience et de l'ouverture car la forme et l'écriture sont innovotrices de l'art romanesque. Marie-Claire Blais, une Québécoise qui habite Key West, continue par sa trilogie commençant par Soif la manière et la thématique de Mailer. Ce serait un bon complément à la lecture de l'oeuvre de cet auteur américain.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 4 avril 2005