Les chaînes de Gorée
de Paul E. Ohl

critiqué par Libris québécis, le 13 mars 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Au temps de l'esclavage
Les Occidentaux s'intéressent à l’histoire du continent africain seulement depuis le X1Xe siècle. Les Musulmans l’ont découvert bien avant nous. Leurs chroniques du Xe siècle révèlent des empires aussi florissants que celui des Incas au Soudan et au Mali. L’Afrique n’est pas la terre de Cham maudite par Dieu dans la bible. Paul Ohl a voulu connaître ce qui est advenu de ces peuples que l’on a malmenés en croyant, comme le précisaient les premiers Larousse, qu’ils nous étaient inférieurs.

Dans son roman, l’auteur s’attache à l’esclavage dont furent victimes les Africains au cours du XV11e siècle. De la construction des bateaux jusqu’aux razzias du roi africain Noya afin de procurer le « butin » tant convoité par les négriers européens, il trace le parcours de ces commerçants de peaux noires, qui, de Nantes au Sénégal, transitant par l’île de Gorée avec leur précieuse cargaison, rejoignaient la Martinique pour livrer leurs « pièces d’Inde » expression qui désignait le contenu de la marchandise.

Le fil conducteur de l’œuvre est tenu par Souma, un Malinké comme Ahmadou Kourouma. Chef de tribu à l’instar du héros de l’auteur de Monnè, outrages et défi, il dirige son peuple en toute harmonie avec la nature jusqu’au jour où les Européens en décident autrement. À la faveur de la nuit, on incendie leur village et on capture les habitants pour les entasser dans la cale de navires en partance pour la petite île martiniquaise, où ils seront vendus à ceux qui exploitent des plantations de canne à sucre. L’accouplement du sucrier au négrier est très rentable. Mais ces trafiquants de chair ont oublié un détail. On peut avilir des hommes, mais on ne tue pas leur âme. Souma est de la race de ceux qui ne se soumettent pas comme son double Soudjata. Il organise l’insurrection et obtient la liberté de ses pairs.

Paul Ohl s’est appuyé sur une documentation monstre pour structurer cette œuvre colossale afin d’éviter que cette partie de l’Histoire tombe dans l’oubli au profit des despotes qui ont imposé leur vision au reste du monde. On est loin de l’œuvre fantasque d’Edgar Rice Burrougs qui n’a jamais mis les pieds en Afrique. La bonté de Tarzan ne pourra jamais racheter l’ignominie dont furent victimes les Africains ni l’abolition de l’esclavage, qui se perpétue encore sous des angles plus insidieux. Même s’il s’agit d’un roman pas facile à lire à cause de sa longue documentation, Paul Ohl nous conscientise habilement aux monnès (outrages) subis par nos frères noirs.