Journal d'un mort
de Marcel Béalu

critiqué par Sibylline, le 27 février 2005
(Normandie - 73 ans)


La note:  étoiles
poético-fantastique
Récit poétique, ce titre « Journal d’un mort » ne relève pas de la métaphore comme je l’avais cru tout d’abord mais du strict énoncé. Nous lisons bien là le journal intime d’un homme décédé qui a élu domicile en haut d’une cheminée et qui, de là haut, s’amuse beaucoup du monde..
Je me suis trouvée face à un texte qui tenait autant du poème en prose que du roman. L’auteur laisse son imagination débridée courir librement sur le thème de départ que j’ai indiqué ci-dessus. C’est vrai que l’on est parfois séduit par une très belle image, par une idée originale ou par une considération poético-philosophique. On reconnaît ici la marque et le charme du surréalisme. Je dois dire cependant que je n’ai pas été emportée bien loin par tout cela. J’ai trouvé que la personnalité de ce mort, qui aurait pu profiter de sa liberté et de son détachement pour penser de grandes choses était trop marquée par l’égocentrisme et même l’égoïsme. Ses relations avec son épouse (toujours vivante) en particulier sont plutôt navrantes. Mais bon, revenons à l’idée poétique.
Il est des moments dans ce récit où notre fantôme semble encore faire partie du monde des vivants, puisque ceux-ci le voient et remarquent quelque bizarrerie due, sans qu’ils le sachent, à son statut de mort. On se dit alors, «c’est une allégorie de la distraction du poète qui est hors du monde» et il nous semble que l’on va comprendre l’histoire autrement, mais bientôt, cet aspect est renié, et l’on se retrouve à l’histoire du fantôme bel et bien décédé, pleuré par sa veuve. Pour ma part, j’en ai tiré un sentiment d’incompréhension ou du moins d’incertitude, pas trop confortable.
Il faut savoir que l’œuvre de Marcel Bealu a toujours joué entre les deux domaines du poétique et du fantastique. Il est resté à ce titre assez inclassable et difficile à estimer, soit que le lecteur ne veuille considérer que l’une de ces facettes, soit, comme moi, qu’il s’y perde un peu. Pour moi, la vision poétique du monde n’est pas une vision fantastique, elle n’a pas besoin de l’être. C’est vrai qu’il y a ici des moments très beaux, des images qui nous charment ou nous frappent : «Le tourniquet de la porte qui me rejette à la rue comme une bouche crache un noyau», mais ils sont accolés à des clowneries (comme justement dans cet exemple) ou à des pensées moins belles et enivrantes qui font retomber le soufflé.
En conclusion, je n’ai pas été séduite par cet ouvrage et, sans dire qu’il est mauvais, je dois avouer qu’il ne m’a pas laissée sur l’envie de découvrir d’autres productions de l’auteur. Sans plus.