Les fondateurs de l'Amérique
de Francis Jennings

critiqué par Heyrike, le 22 février 2005
(Eure - 56 ans)


La note:  étoiles
Un historien au service de l'histoire
Un essai historique que je considère comme absolument incontournable. La première partie retrace l'histoire du peuplement du continent américain depuis les premières incursions des nomades en provenance de l'Asie, il y a 68000 ans, jusqu'à l'arrivé des premiers européens en 1492. Pour des raisons de place et de clarté, l'auteur a volontairement limité son récit à l'aire géographique nord américain, y introduisant cependant une brève relation de l'histoire des peuples Aztèques et Toltèques sur la période qui s'étend du XIII siècle jusqu'à l'arrivée de Christophe Colomb. Il établit avec méthode et sérieux que la migration de ces peuples vers la vallée du Mississippi favorisa l'émergence de la civilisation Mississippienne. Regroupant différents peuples Indiens, elle rayonna très longtemps sur toute la région, en créant un immense réseau commercial très bien structuré qui s'étendait de la côte Est à la côte Ouest des actuels Etats-Unis. Plus tard les premiers colons le réutilisèrent pour leurs propres comptes.

La deuxième partie est consacré au long conflit qui opposa la France et l'Angleterre (entraînant dans son sillage sanglant les populations indigènes dans le chaos des luttes intestines de la vieille Europe) pour s'emparer des territoires occupés par les nations Indiennes. Conflit qui s'acheva par la victoire de l'Angleterre en 1763, contraignant la France à abandonner son rêve d'Amérique et amorçant le début de l'effondrement de la civilisation indigène. Suit le récit détaillé de l'expansion inéluctable vers l'Ouest des Etats-Unis, devenus indépendants entre temps, jusqu'à la soumission complète de tous les peuples Indiens.

L'auteur s'est efforcé de sortir du carcan de sa discipline, grâce à une approche la plus large possible de son sujet, par la juxtaposition et le croisement de divers domaines d'études et de recherches scientifiques. Il réussit ainsi à briser les schémas archaïques des ouvrages d'histoire antérieurs traitant de ce thème, grâce à cet essai qui ne se veut pas définitif, mais tout au contraire élaboré pour être une source riche en informations et en réflexions ouvertes pour les futurs historiens conscients de leurs responsabilités. D'ailleurs lui-même n'hésite jamais, tout au long de son ouvrage, à faire état de ses erreurs dans ses précédents écrits, qu'elles étaient commises par naïveté ou ignorance. Ce qui en plus d'être d'une très grande honnêteté intellectuelle, lui permet de souligner les nombreuses distorsions historiques sciemment introduites par les historiens plus soucieux de coller au fantasme populaire, que d'éclairer les zones d'ombres de l'histoire de la conquête.

Ou comme le dit si bien Jim Harrison : " Si les nazis avaient gagné la guerre, l’Holocauste aurait été mis en musique, tout comme notre cheminement victorieux et sanglant vers l'Ouest est accompagné au cinéma par mille violons et timbales".