Que sont les indiens devenus ? , culture et génocide chez les Indiens d'Amérique du Nord
de Ward Churchill

critiqué par Heyrike, le 14 février 2005
(Eure - 56 ans)


La note:  étoiles
L'imposture historique
En 1492 Christophe Colomb échoue sur l'île Española (Haïti), qui n'est ni vierge ni inconnue. Le peuple Tainos y prospère depuis plusieurs siècles. Bien que n'ayant pas trop le sens de l'orientation, Colomb n'en perd pour autant pas le nord. Après s'être fait nommer vice-roi des Indes, il établit une dictature sur Española, fait massacrer une grande partie de la population indigène, réduit les rescapés en esclavage, et fait main basse sur toutes les richesses. Colomb (dont le nom n'était malheureusement pas un symbole de paix) engendra ce qui allait devenir le fondement de la politique Européenne en Amérique. A savoir l'appropriation des terres occupées, la destruction des cultures et des croyances, et le massacre systématique de milliers d'indiens. En d'autres termes, Colomb mis le pied dans l'entrebâillement de la porte ouvrant sur un monde très ancien, par laquelle les hordes sauvages venus d'Europe s'engouffrèrent armés jusqu'au dents (qu'ils avaient très longue).

Cinq cents ans plus tard, lorsque les habitants du continent américain célèbrent le Columbus Day, savent-ils en toute conscience ce dont il s'agit réellement ? Le terme habitant désigne dans ce cas précis les descendants des colons européens, bien entendu. Les Indiens n'ayant pas trop le cœur aux réjouissances qui célèbrent leur sacrifice sur l'autel de la colonisation. Ce qui peut se comprendre. Donc s'ils ne le savent pas, c'est qu'il est vraiment urgent que cela leur soit enseigné, mais dans le cas contraire supposons qu'ils ne l'ignorent pas tout à fait, alors comment appelle t-on par conséquent la célébration d'un ethnocide ?

Partant de ce fait l'auteur entreprend de débarrasser l'histoire du continent américain des contre vérités élaborer par les politiciens racistes et les historiens assujettis au concept de la destinée manifeste, qui œuvrèrent en toute conscience à l'érosion de la mémoire du passé, extrayant de l'indicible horreur de la conquête une posture historique acceptable. Ward Churchill se dresse pour que soit entendue la parole Indienne, qu'elle retentisse dans les couloirs des temples prospères de l'oublie et de la négation. Pour que la vision des vaincus parvienne enfin, après 500 ans de luttes désespérées, à dessiller les yeux des malheureux fossoyeurs de leurs destins, pour que l'écho des lamentations des victimes réveillent les âmes mortes des vivants. A travers plusieurs exemples il démontre que l'ethnocide a été, et demeure encore de nos jours, à géométrie variable. Il en développe point par point tous les aspects, que l'envahisseur à si habilement dogmatisé afin qu'il ne soit jamais possible aux peuples indigènes de l'Amérique de retrouver la voie sacrée. Ce qu’il a failli réussir, mais le sursaut des nations indiennes durant les années 1960 (amorcé par certains auteurs à partir des années 40-50), leur a permis de s’unir à travers un nationalisme Panindien, se débarrassent enfin de leur statut léthargique de vaincus.

Ward Churchill (Creek/Cherokee) ne plonge pas sa plume dans l’encre pour tenir des propos consensuels et politiquement corrects, bien au contraire. Il n’hésite pas à faire le rapprochement entre l’idéologie exterminatrice employée pas les puissances colonisatrices de l’amérique et celles des nazis, révélant que ces derniers s’inspirèrent largement des méthodes de déplacement des populations indiennes élaborées par le gouvernement américain pour mettre en place leur propre politique de conquête de l’espace vital en Europe de l'Est (Lebensraumpolitik).

Il fustige tous les escrocs indiens (comme Archie Fire LameDeer) et non-indiens qui monnayent sans scrupules la culture spirituelle indienne lors de "tournées des hommes médecines" à travers plusieurs pays (l'Europe est très friande de ce genre de spectacle). Il n'épargne pas non plus "les charlatans" (comme Carlos Castaneda) qui pondent des best-sellers sur les Indiens, alors qu'il est très difficile pour ceux-ci de se faire publier. D'autres encore n'hésitent pas à s'approprier les symboles culturels en affirmant sans vergogne mieux en saisir le sens que les peuples indigènes dépositaire de leurs origines. Ces agissements visant une fois de plus à déposséder les Indiens (après leurs identités et leur terres) de ce qui représente aujourd'hui l'essentiel de leur patrimoine, encore à peu près intacte, qu'ils préservent vaillamment de la pression permanente de la culture dominante. Cette dernière n'ayant pourtant pas ménagé ces efforts pour les contraindre à abandonner leurs pratiques de sauvages. Cette dépossession participe au processus d'ethnocide par la négation totale des droits, pourtant légitimes, des peuples Indiens à perpétuer leur héritage culturel et spirituel selon les enseignements des ancêtres.

Certains lecteurs pourraient être pour le moins troublés par le radicalisme de l'auteur, mais il ne faut pas que cela masque les vrais problèmes auxquels sont quotidiennement confrontés les Indiens, qu'ils soient traditionalistes ou pas. Il décrypte parfaitement les mécanismes qui déstructurent inlassablement les sociétés indigènes profondément enracinées dans la mémoire originelle de la création du monde. Mémoire qui fait tant défaut aux nouvelles sociétés dites modernes et progressistes, qui n'ont de sens que si elles sont en mesure d'aller de plus en plus vite et surtout de ne jamais prendre le temps de réfléchir au sens de leur fuite en avant fatidique. De plus Ward Churchill n'a pas oublié que par le passé tous les accords, les traités et la recherche du consensus systématique avec l'envahisseur n'a fait que reculer l'échéance de leur déchéance. Et ça il ne l'a absolument pas oublié, lui.