Quartier perdu
de Patrick Modiano

critiqué par Palorel, le 4 février 2005
( - 43 ans)


La note:  étoiles
Retiens la nuit
Prétextant une rencontre avec son éditeur japonais, l’écrivain anglais Ambrose Guise revient à Paris pour la première fois depuis vingt ans. Nous sommes en plein été, l’air est oppressant. Personne dans les rues. Une ville fantôme, qui ne ressemble en rien à celle où il avait passé sa jeunesse (« Je me suis demandé si je ne traversais pas une ville fantôme après un bombardement et l’exode de ses habitants.»,p.9).Il y restera néanmoins quelques jours, le temps de revenir sur les traces de cette période obscure de sa vie : il était alors français, s’appelait Jean Dekker et était mêlé à de bien sombres histoires….
Bien sûr, « Quartier perdu » ressemble énormément aux autres romans de Modiano et ses lecteurs habituels, sensibles à cette ambiance particulière, ne pourront être déçus. Mais ceux qui trouvent qu’il ne se passe rien dans ses romans seront peut-être agréablement surpris. Bien souvent, nous sommes pas très loin du roman policier (Ambrose Guise est d’ailleurs auteur de romans policiers). Comme le montre le titre de son dernier livre en date (« Un pedigree »), Modiano admire beaucoup Simenon. Il n’y a qu’a lire « Quartier perdu » ou « Un cirque passe » pour s’en persuader !
Le passé, un monde disparu ... 9 étoiles

Retourner sur les lieux de sa jeunesse est une entreprise qui peut s'avérer dangereuse tant les souvenirs ne coïncident parfois plus avec la réalité. Les lieux changent, certains proches ne sont plus de ce monde et puis tout bêtement nous avons évolué nous-mêmes. Ambrose Guise, écrivain de polars, se rend à Paris, ville dans laquelle il a vécu, mais qu'il a quittée pour Londres. Celui que l'on croit anglais d'origine était bel et bien français, il s'appelle Jean Dekker. Tout comme le meurtrier qui revient sur les lieux du crime, il revient dans les quartiers qui lui sont familiers et renoue avec un pan de son passé.

Ce roman est mystérieux, tout en étant familier au lecteur, car ce dernier commence à connaître l'atmosphère singulière qui règne dans les romans de Patrick Modiano. Ses personnages rattachent leurs souvenirs à des lieux précis : des hôtels, des rues, des places ... Et l'on a l'impression que les épisodes du passé sont indissociables de ces lieux. Qu'en est-il lorsque ces lieux disparaissent ou changent radicalement ?

Les personnages décrits que fréquentait Jean Dekker ont eux-aussi leur part de mystère, leur part d'ombre. Il y a quelques sous-entendus qui renvoient à cette part d'obscurité ( violence, sexualité ... ). En en disant moins, le lecteur imagine toujours plus, à tort peut-être.

Il est vrai que si l'on est amoureux de la ville de Paris, les romans de Modiano ont une saveur particulière. Le roman captive le lecteur même si la trame est mince, mais l'on se plaît à écouter ces personnages discuter et à voir la relation qui lie l'écrivain au passé.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 28 novembre 2014


Que reste-t-il de mon passé ? 9 étoiles

Cet écrivain britannique est en réalité français, à la surprise de son éditeur japonais. Il profite de cette rencontre, pour revenir sur les lieux de son passé, et y fait des rencontres de personnalités connues jadis, lors de son enfance à Paris. Les personnages réapparaissent comme ayant vieilli tout soudain, le passé est reconstitué sous ses yeux, de manière fort énigmatique, presque comme un polar feint, sans raison apparente.
Il vogue, comme un spectre, dans cette cité perdue et oubliée, parmi des ombres refaisant surface dans sa vie.

La question essentielle est de savoir jusqu'où va aller le protagoniste-narrateur : va-t-il reprendre sa vie d'antan, jouer les détectives, renouer entièrement avec les acteurs de son ancienne vie. S'il semble aller assez loin, ira-t-il jusqu'au bout de la démarche ? reviendra-t-il à Londres ? renoncera-t-il à ces retrouvailles ?

L'atmosphère est profondément énigmatique, et m'a totalement aspiré. L'intrigue est bien faite, tout en semblant rester quelque peu vaporeuse. Je ne suis pas certain de partager sa vision du passé ; et, là, je ne peux malheureusement pas vous en dire plus, car j'en divulguerais trop.
L'ambiance ressemble bien à celle, habituelle, des romans de Patrick Modiano. La réflexion sur le poids des souvenirs m'a intrigué et vivement intéressé : c'est l'un des écrits que j'ai préférés de l'auteur.

Veneziano - Paris - 46 ans - 15 septembre 2012