Journal d'un médecin de campagne suivi de Funéraires
de Jacques Chauviré

critiqué par Sahkti, le 26 janvier 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
La mort, inacceptable
Jacques Chauviré ne cesse de me surprendre par sa grande sagesse, son humilité et sa lucidité. Un homme étonnant qui se livre dans ce journal s'étalant de 1950 à 1959. Une époque qui semble aujourd'hui si lointaine, d'autres pratiques, d'autres visions, un monde en mouvement.
Chauviré est médecin, il nous raconte son travail, les aléas du métier, les joies mais aussi les nombreuses tristesses que celui-ci procure.
"Le médecin est un personnage qui va, l'hiver, de maison en maison, pour se réchauffer les oreilles à la poitrine d'enfants fiévreux." (18 novembre 1957)
Derrière chaque ligne est présente la douleur de Jacques Chauviré qui ne s'habituera jamais à la souffrance et à la misère, qui sera toujours heurté par la mort, révolté, cherchant refuge dans la spiritualité, un refuge pas forcément au rendez-vous. Il s'interroge notamment sur l'existence de l'âme, son emplacement, son destin lorsque la vie se retire du corps.
Chauviré nous parle de son métier, de son malade, des régions qu'il traverse, de la guerre, du monde en quête de lui-même. Il évoque également la littérature, ses auteurs préférés (avec une belle place pour Camus) et ceux qu'ils aiment moins, son goût de l'écriture, ce qu'elle lui apporte.

C'est le journal d'un homme qui se raconte et se confie, qui fait le bilan sans que cela ne soit pessimiste, pathétique ou trop chargé de nostalgie. C'est un texte mêlant désespoir et espoir, traduisant l'angoisse du médecin face à la mort plus forte que tout. C'est sensible et pudique, un texte émouvant que je vous invite à découvrir tant il fait du bien. Chauviré parle si simplement, si calmement, des petites et grandes choses de la vie, cela nous concerne tous, d'une manière ou d'une autre.

Le texte est suivi de "Funéraires", l'histoire de dix morts, dix souffrances, dix disparitions inacceptables contre lesquelles Chauviré voudrait lutter, en vain.
Du bien 10 étoiles

Beaucoup de plaisir, oui, à la lecture de ce journal, l'acuité et l'honnêteté du regard, la médecine comme bien plus qu'un métier dans la plus grande modestie pourtant de sa pratique, et ce rapport à l'autre, le patient, l'épouse ou la mère - aussi bien qu'à l'ami, l'écrivain Jean Reverzy, et l'altière figure de Camus. Oui, ça fait du bien de lire Jacques Chauviré.

Feint - - 60 ans - 9 août 2008