La mémoire suspendue
de Louise Plante

critiqué par Libris québécis, le 22 janvier 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La Maladie mentale chez les femmes
Dans ce magnifique roman, Louise Plante aborde les conditions féminines des années 1940 à travers l'histoire d'une famille ouvrière de Montréal. Le projecteur est dirigé vers l'une des filles qui marie, pour sa perte, un joueur compulsif. La jeune femme doit rapidement être internée et ne recouvre jamais la santé. À sa mort, on confie à un neveu le journal qu'elle a laissé à sa soeur. Il est bouleversé par ce qu'il apprend.

L'auteur trace le portrait des femmes de l'époque. Si elles réussissent à atteindre le marché du travail, elles sont confinées aux travaux les plus humbles et les plus mal rémunérés. En fait, seules les "manufactures" les accueillent au sein de leur personnel. Il s'agit d'entreprises de confection de vêtements, aujourd'hui presque disparues à cause de l'importation. Ne jouissant d'aucune considération au niveau du monde du travail, elles n'en ont pas beaucoup plus aux yeux de leur mari. Ces conditions rendent l'héroïne neurasthénique et finalement névrotique. Les asiles, comme on les appelle à l'époque, débordent de ces femmes perturbées par leur situation d'infériorité. Quand la maladie mentale les frappe, c'est la honte de la famille. Il faut cacher la vérité. Au mieux, on parle d'un mal imaginaire. Mais la plupart du temps, on oublie l'existence de ces femmes confiées à des hôpitaux, tous dirigés par des religieuses peu enclines à la pratique de la charité chrétienne. On en a une illustration dans le dernier film de Denise Filiatreault, qui a porté à l'écran la vie d'Alys Roby, une femme de l'époque.

Ce roman magnifiquement charpenté et écrit éclaire une décennie dont certains sont nostalgiques. Or, la vie n'était pas à la réjouissance même si la Deuxième Guerre mondiale a représenté des années fastes pour l'économie du Canada.