Le buveur de temps de Philippe Delerm

Le buveur de temps de Philippe Delerm

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Clarabel, le 21 janvier 2005 (Inscrite le 25 février 2004, 48 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 106ème position).
Visites : 6 098  (depuis Novembre 2007)

Parce qu'il fait froid dehors et bon dedans ...

J'ai peine à croire que Philippe Delerm soit enseignant - n'aurait-il point été peintre ou observateur du sablier dans une vie antérieure ? Qui mieux que lui possède ce style proche de la plume du peintre pour écrire des mots, des sentiments, des personnages ? Dans "Le buveur de temps", tout s'inspire d'une peinture de Jean-Michel Folon portant le même nom - eh oui, lui aussi s'est pris au jeu du roman et de la peinture !
"Oui, c'est moi dans la bulle, à la surface du papier glacé. Votre main passe sur le livre, caresse le mirage, et ne dérange rien."... Mais le personnage nous parle, s'adresse au lecteur, l'interpelle. Procédé premièrement déconcertant, puis fantaisiste et plaisant. Ce petit bonhomme dans la bulle va s'échapper de sa toile pour suivre un homme qui a su capter un quelque chose d'indicible pour le faire parcourir le monde, en vrai. Cet homme s'appelle Monsieur Delcourt, collectionneur de boules en verre, de billes, de kaléidoscopes. Monsieur Delcourt entend les paroles muettes tandis que le petit bonhomme est un grand goûteur d'images. Tous deux vont se promener dans Paris, nous faire apprécier toute la beauté de cette ville, nous faire saliver en les imaginant devant leurs verres de bière, leurs tasses de thé ou leurs assiettes de Petit Salé. Plaisir des yeux, plaisir de la bouche, dit-on. Pour le cas, c'est juste le plaisir des mots et des idées dessinées dans notre imaginaire !
Bref, les deux personnages vont rencontrer un troisième individu, un mime Florentin, Clément. De lui, on apprendra davantage son histoire et surtout son chagrin d'être séparé de sa soeur Hélène. La retrouver, au plus vite, pense le Florentin. Mais Monsieur Delcourt va lui démontrer que tout vient à point à qui sait attendre... "Je ne perds pas de temps; je n'en possède pas." résume le bonhomme sorti de sa bulle. De temps, il n'en a pas la notion; tout comme il s'apercevra avec une certaine souffrance qu'il ignore tout des sentiments de l'enfance, de la mémoire, des souvenirs, etc.
"Le buveur de temps" est finalement une histoire triste, où des personnages tentent d'apprivoiser le temps et de le remplir de mille et une merveilles. Toutefois des réalités plus palpables viennent les éclabousser, les bousculer. Chacun sa place, en somme.
Au démarrage ce roman semble assez étrange, et puis la chaleur professée par l'écriture de Philippe Delerm chasse toute envie d'abandonner, et on s'attache à cette petite galerie d'êtres de chair ou de l'imaginaire. Touchant, sensible et poétique.

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Les éditions

  • Le buveur de temps [Texte imprimé] Philippe Delerm
    de Delerm, Philippe
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782070302260 ; 6,90 € ; 09/09/2004 ; 150 p. ; Poche
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"Oui, c'est moi dans la bulle, à la surface du papier glacé."

10 étoiles

Critique de R. Knight (, Inscrite le 18 janvier 2012, 29 ans) - 21 mai 2012

Le buveur de temps est ce petit personnage étrange, tout droit sorti d'une oeuvre d'art, d'un autre univers en soi, qui va suivre Monsieur Delcourt dans sa vie, au fil de ses rencontres...
Le buveur de temps, voit, s'émerveille, observe et contemple toujours; ainsi déguste-t-il le temps, émettant des hypothèses, des théories à partir de ses contemplations. Comme lorsqu'en début d'ouvrage il nous dit : "La vie... Vous prononciez parfois d'un air dubitatif et ironique ce mot qui ne vous concernait pas. J'ai appris à détester depuis cette syllabe criarde et gluante : vie. Les autres enfermaient tout dans ce mot dérisoire, qui commence dans le veule et se termine dans le cri - mais le cri vient trop tard, le pathétique veut en vain donner le change; le spectacle était médiocre, le rideau est tombé, le régisseur s'en moque et hausse les épaules, c'est la vie."

Le style de Philippe Delerm dans ce roman (qui tient presque de l'essai à mes yeux) est parfaitement adapté, comme si il s'était totalement imprégné de son atypique personnage. Les nombreuses descriptions qui foisonnent dans Le Buveur de temps sont toutes très justes et magnifiquement bien menées. Certaines paraissent même bien poétiques pour un simple enseignant qui n'a pas fait de peinture ou n'a pas observé le 'sablier dans une vie antérieure' comme le suppose Clarabel dans sa critique très complète.

Dés les premières lignes du roman, on est happé par ce petit personnage qui virevolte dans sa bulle et s'adresse directement à nous nous contraignant presque à l'écouter. C'est fort de café ! et vraiment très original. J'ai trouvé ce procédé très appréciable. Durant le premier chapitre, j'ai même eu la bien curieuse impression que ce buveur de temps essayait de définir le lecteur, de le cerner pour ainsi dire. Comme si un observateur prodige nous dessinait, du moins, créait notre vie de sa place de supériorité : dans l'encre noire du livre. Cela m'a considérablement chamboulée et poussée à poursuivre ma lecture qui fut très rapide et fortement plaisante.
J'irai jusqu'à qualifier cet ouvrage de chef d'oeuvre traitant sur l'existentialisme, il me semble. Le buveur de temps tente, malgré la dérision qu'il associe à notre Monde, de définir notre place dans le temps. Mais le temps existe-t-il vraiment ? L'enfance, le passé, le futur... tout cela est-il nécessaire d'être classé ? Le buveur de temps aspire tout cela.

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