La persécution des tsiganes par les nazis de Guenter Lewy

La persécution des tsiganes par les nazis de Guenter Lewy
( The nazi persecution of the Gypsies)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Sahkti, le 8 janvier 2005 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 8 étoiles
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Tentatives d'explication des atrocités

J’ai souvent été frappée par la différence d’importance qu’accordent certains aux massacres perpétrés par les Nazis sur les Tsiganes par rapport à ceux commis sur les Juifs. Si le nombre de victimes est effectivement très différent, il n’empêche que les exactions commises sur l’une et l’autre communauté sont terribles et qu’en aucun cas, une simple histoire de comptabilité ne doit faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Sans parler de la compassion (qu’on devine hélas parfois feinte) à l’égard de la communauté juive persécutée, ce qui me semble naturel, alors que la minorité tsigane ne semble guère souffrir d’un trop-plein d’amour de l’opinion publique envers elle, bien au contraire. Pourquoi ces différences de traitement ? Par simple effet du nombre ?
En Europe centrale, il faudra encore pas mal d’années après la guerre pour que les familles tsiganes soient moins les victimes des interrogatoires à foison, de la méfiance populaire (la police allemande utilisera les fiches de déportation tsigane pour les contrôles jusqu’en 1950) et encore... tout n’est pas réglé.

En cela, pour moi, l’ouvrage de Guenter Lewy présente de l’intérêt.
Se basant sur une quantité impressionnante de documents d’archives, allemands et autrichiens, Lewy relate l’histoire et la descente aux enfers sous le régime nazi de la communauté tsigane, considérée par le régime comme un groupe asocial à exterminer, en totale contradiction avec les règles définies de l’ordre social et de la pureté raciale. De mesure en mesure, les Tsiganes seront persécutés et déportés, avec cependant un certain cafouillage au sein même des autorités allemandes. Himmler par exemple, essaya de séparer les bons Tsiganes des mauvais, les premiers étant considérés de pure souche avec des racines aryennes en Inde, les seconds représentant une grave menace pour la pureté de la race aryenne. Une distinction qui servit surtout à semer le doute et la confusion dans les esprits, pas mal de méfiance également.
C’est là que Lewy se plonge dans une analyse plus profonde du phénomène et apporte peut-être un semblant de réponse à ma question du début sur la différence de traitement accordée aux massacres des Juifs et des Tsiganes. Selon Lewy, contrairement aux personnes juives, les Tsiganes n’ont pas été les victimes d’un programme général d’extermination, ils ont été massacrés en nombre mais selon des salves désordonnées et par vagues successives sans vision globale. Les Juifs ont souffert de la solution finale.

Evidemment, vu comme ça, ça fait une différence mais cela ne justifie toujours pas à mes yeux que les massacres commis sur les Tsiganes soient si peu abordés, proportionnellement aux autres (et les questions du nombre de victimes ne sont pas suffisantes pour expliquer cela).
En entrant dans les détails, Lewy explique que les massacres tsiganes sont avant tout une réponse à la volonté de la population allemande, effrayée par ces populations errantes et considérés comme dangereuses. La persécution juive, quant à elle, a été imposée par le régime nazi et tout le monde a dû s’y plier. Tout de même… A la lecture des documents brandis par Lewy, il apparaît clairement qu’outre un antijudaïsme certain dans les mentalités de l’époque, régnait aussi un climat antijuif provoqué par la jalousie devant leur réussite sociale ou économique. Je conserve donc mon impression que le sentiment antisémite qui a conduit aux horreurs que l’on sait n’était pas que dicté par les autorités. Mais peut-être était-ce dans le cas présent moins évident qu’avec les groupes tsiganes, conspués par la population allemande qui n’eût de cesse de demander au régime de prendre des mesures contre eux. Appuyée dans sa démarche par des scientifiques (réels ou prétendus) qui eurent tôt fait de démontrer, preuves à l’appui, l’infériorité raciale des Tziganes. Ce qui ne fut d’ailleurs pas toujours aisé, car il fallait aborder la question des Mischlinge, ces mariages mixtes qui donnaient des « demi-tsiganes » ou « demi-juifs ». Les demi-tsiganes furent persécutés de manière violente car considérés comme impurs, alors que les demi-juifs furent en partie épargnés (si l’on ose parler ainsi…) car pas tout à fait impurs. La lecture de telles distinctions et d’une telle ségrégation me dégoûtera toujours au plus haut point. D’autant plus qu’agir de la sorte a évidemment conduit à des comportements humains désastreux, les uns dénonçant les autres, les autres tenant à tout prix de s’acheter une généalogie conforme aux normes alors en vigueur.
Par ailleurs, Lewy explique également que bon nombres de Tsiganes ont pu passer entre les mailles du filet grâce à leur méfiance du régime depuis toujours, à leur méfiance de tout ordre quel qu’il soit (mais affirmer cela, Mr Lewy, n’est-ce pas, à nouveau, les marginaliser ?).

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