Le renard dans le nom
de Richard Millet

critiqué par Fee carabine, le 6 janvier 2005
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Siom, dans l'ombre de Faulkner et du Roi Salomon
"Le renard dans le nom" nous révèle une facette supplémentaire de cette "comédie humaine" du bourg de Siom, en Haute-Corrèze, que Richard Millet construit patiemment livre après livre. "Ma vie parmi les ombres" était une longue et lente méditation funèbre, en l'honneur d'un monde disparu, de fermes aujourd'hui abandonnées, de familles éteintes ou parties loin de leur terre d'origine. "Lauve le pur" et "La voix d'alto" évoquaient le sort de deux de ces déracinés, enfants timides grandis en marge de la communauté siomoise, aujourd'hui transplantés à Paris mais poursuivis par la nostalgie de cette terre où pourtant ils n'étaient pas heureux. Beaucoup plus bref et dense que les trois romans que je viens de citer, "Le renard dans le nom" est une tragédie réduite à l’épure, une de ces tragédies où les passions humaines - désir, haine, volonté de vengeance - se révèlent dans toute leur force et leur cruauté: une jeune fille violée et assassinée, et le fils Lavolps - au renard dans le nom - soupçonné de ce crime qui est tué à son tour. Une tragédie qui se déroule au début des années soixante, mais qui aurait pu aussi bien prendre place dans les temps bibliques, "à l'Ancien Testament, au peu qu'en savait Jacques Râlé: à cet "oeil pour oeil" auquel Louis Lavolps avait vainement opposé le "Tu ne tueras point", et à quoi le Râlé avait répondu que ça ne s'appliquait pas à un renard enragé, sans peut-être songer que le père portait le même nom et qu'il était un tout autre renard". L'ombre du Roi Salomon plane d'ailleurs sur ce récit, où les vers du "Cantique des Cantiques" disent l'éveil du désir, et l'ombre de Faulkner aussi car le texte de Richard Millet n'est pas loin d'atteindre à la force de l'épi de maïs ensanglanté et des deux gibets sur lesquels se referment le "Sanctuaire" de l'écrivain américain.

Une tragédie épurée, un texte dense et d'une grande force dramatique. Et une belle occasion de découvrir le style de Richard Millet, ses longues phrases alternant envolées musicales et pesanteur terrienne, de longues phrases où la plume de l'auteur est guidée à la fois par une recherche de précision et par la pure jouissance des mots et de la langue.
Passée à côté! 3 étoiles

Lecture difficile, presque insupportable par moments, tant les digressions sans fin de l'auteur mon ennuyée. A peine un nom est-il évoqué que dans une même phrase, Richard Millet évoque l'histoire de cette personne, sans reprendre son souffle, alignant élément sur élément, avant de reprendre la phrase là où il l'avait laissée et de poursuivre, par d'autres détails.
Un procédé qui m'a agacée, désorientée et qui a pas mal gâché ma lecture.
Pourtant, le sujet me plaisait, cette construction d'une culpabilité, dans le village de Siom, à travers plusieurs voix, diverses versions. L'occasion de rpouver une fois de plus au lecteur que les certitudes ne valent pas garantie et qu'aune vérité n'est jamais acquise. Mais si le fond m'a séduite, le traitement m'a repoussée. Pas pour moi!

Sahkti - Genève - 50 ans - 19 mars 2008