Client mystère
de Mathieu Lauverjat

critiqué par Alma, le 4 avril 2024
( - - ans)


La note:  étoiles
Big brother is watching you
Bienvenue dans l'univers impitoyable et déshumanisé du nouveau commerce, sous l'oeil implacable et intrusif d'un Big Brother qui contrôle clients et employés.

Membre de « la Flotte » des coursiers à vélo livreurs de pizza, le narrateur ( jamais nommé ) fonce sous la pluie battante dans les rues de Lille pour livrer sa pizza dans les meilleurs délais, obtenir ainsi une note de satisfaction maxima, mais chute brutalement sur les pavés humides.
Le voilà indisponible pour plusieurs semaines, sans ressources . Comment survivre ?
En devenant « client mystère » : faux client chargé d'évaluer la bonne application du cahier des charges d'un commerce ou d'une entreprise et de noter sans état d'âme la qualité du service à la clientèle !
Lui qui auparavant était le noté devient alors celui qui note , contraint d'obéir aux notifications de sa manager Anne-Sophie, tombant sans cesse sur son smartphone et lui enjoignant d'être de plus en rapide et précis dans ses contrôles.
Il se trouve, comme le suggère l'illustration de couverture, dans la situation d'un poisson enserré dans les tentacules d'un poulpe .
Evoluant d'abord dans des fastfoods, dans des enseignes de bricolage, il prend du galon, accède à des primes, rêve d'investir dans la cryptomonnaie et se retrouve chargé d'observer non seulement le confort et la propreté du matériel, mais aussi la qualité du comportement et de l'uniforme des agents de la SNCF. Et ce, jusqu'au jour où l'employé sur lequel il devait concentrer ses observations se suicide. Comment ne pas se sentir responsable du drame ?
Commence alors pour lui une descente aux enfers. Tout tombe à l'eau : projets professionnels, vie de couple : un engrenage infernal vers la marginalité.
Commencé comme une chronique de mœurs décapante et tragico-burlesque , l'ouvrage tourne alors au thriller .

CLIENT MYSTERE se présente comme un roman ponctué de mots du vocabulaire spécifique du management : un sabir fait d'anglicismes, d'acronymes, bien déroutants pour la non initiée que je suis. De même, son écriture énergique, trépidante basée sur un enchaînement syncopé de phrases courtes qui traduisent bien la pression constante pesant sur ces employés d'un nouveau type m'a paru bien essoufflante.
Je dois avouer que j'ai été même tentée d' abandonner la lecture avant d'arriver à la moitié du roman mais je me suis sentie emmenée malgré moi dans la chronique à rebondissements de de ce forçat du commerce numérique.
Et le mieux est que je ne le regrette pas !