Cryptonomicon, tome 1 : Le code Enigma
de Neal Stephenson

critiqué par Benoit, le 13 décembre 2004
(Rouen - 43 ans)


La note:  étoiles
Sous-marin, internet et plus encore!
Avant-propos : je précise que la critique qui suit concerne “Cryptonomicon”, l’oeuvre originale de Neal Stephenson, que l’éditeur français aux dents longues a artificiellement découpé en trois parties alors qu’il s’agit bien d’une oeuvre unique, en une seule partie.

Comme son nom l’indique, ce livre traite en priorité de cryptographie, l’art de modifier les messages selon un code afin que seules les personnes qui possèdent ce code soient capables de les lire. Mais ce gros pavé de plus de 1100 pages en édition de poche est bien plus qu’un bouquin sur la cryptographie.
En effet, un seul adjectif me vient à l’esprit quand j’y pense : foisonnant. Plusieurs histoires s’entremêlent : certaines se passent au cours de la seconde Guerre mondiale, d’autres de nos jours. L’unité de lieu, comme l’unité de temps, n’est pas non plus respectée : un chapitre se passe aux Etats-Unis, le suivant, en Europe (Allemagne, Angleterre, Suède, etc...), ou en Afrique du Nord, ou en Asie du Sud-Est,...
L’unité d’action est la seule qui soit respectée, et encore, il faut arriver vers la fin du livre pour découvrir que cette multitude d’histoires converge vers un même point.
Quant aux thèmes traités, là aussi, on a l’embarras du choix : la guerre avec des descriptions de bataille passionnantes ; on a droit bien sûr à une description de la cryptographie et des techniques employées, mais aussi du début de l’âge informatique avec présentation du premier ordinateur, de l’internet actuel... Vous aurez compris que ce roman a une forte coloration scientifique. Mais l’auteur prend bien soin d’expliquer les bases et de donner des détails lorsque cela devient pointu. Cependant, son côté scientifique est loin de constituer la trame essentielle de l’oeuvre, même s’il tient un rôle non-négligeable.
En effet, ce qui marque surtout est la galerie de personnages et la force narrative de l’auteur.
Les personnages qui nous sont présentés sont très divers mais ils partagent tous la même caractéristique : ce sont des gens communs. Certes, certains sont des mathématiciens chevronnés, d’autres des spécialistes de l’ordinateur mais ce ne sont ni des héros ni des anti-héros. Ils font des erreurs, ont quelques succès, ont des doutes, tombent amoureux mais sont maladroits dans leur relation, sont malheureux en amour,... Bref, on s’attache vite à ces personnages, quels qu’ils soient. Et pour nous les introduire, l’auteur n’hésite pas à passer de longs moments à nous détailler leur vie, à nous raconter certains détails qui n’ont pas de liens directs avec l’histoire... Et justement, le deuxième point fort de ce roman est la narration de l’auteur.
Car, sur les 1100 pages que compte ce livre, toutes ne sont pas indispensables. Certains diront qu’il y a beaucoup de verbiage, que l’auteur a été atteint de colique verbale... C’est vrai, certains passages semblent être là juste pour remplir de l’espace sur la feuille blanche. Cependant, ces passages servent à mieux nous présenter les personnages, ce qui fait qu’on s’y attache plus, et ils ne sont pas ennuyeux : soit ils sont passionnants parce qu’ils relatent une action militaire, soit ils sont drôles, voire franchement hilarants. Et la narration de l’auteur est impeccable : certains épisodes auraient pu durer encore plus longtemps que cela ne m’aurait pas gêné. De plus, ce qui est agréable est que Neal Stephenson ne prend pas le lecteur pour un demeuré : certains passages qui nous sont obscurs à leur lecture s’éclaireront d’eux-mêmes quelques chapitres plus loin, sans que l’auteur nous mette un immense panneau de signalisation avec : “Hé! Explications ici pour le chapitre machin!!!”. C’est parfois à nous de tenter de déchiffrer certains mystères car l’auteur ne nous prend pas tout le temps par la main (à notre grand regret parfois...).

Bref, j’ai passé un moment vraiment agréable avec ces personnages et entre la vie et les déboires de ceux-ci et la description tout en détail de la cryptographie et autres joujoux technologiques, je n’ai pas vu passer les 1100 pages : à aucun moment, je ne me suis ennuyé. De plus, l’auteur a la bonne idée de glisser de temps en temps une petite réflexion qui nous amène à réfléchir sur notre société actuelle et ses dérives. Certes, ce n’est pas la caractéristique essentielle de ce roman mais c’est un plus : on se divertit (beaucoup) tout en réfléchissant (un peu).