La nuit de la graisse
de Aldo Qureshi

critiqué par JPGP, le 2 mars 2024
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Femmes et moteurs par Aldo Qureshi
Aldo Qureshi présente ici des vases et autres tubes communiquant. Il propose un étrange voyage dans sa vie - du moins tel qu'elle l'image et la fantasme - et ce moins dans l'absolu que le salace. Non que les deux ne puissent faire cause commune mais il se refuse à aligner les cartes du tendre et leurs branlants brelans d'as. Il préfère les tripots souteux et autre souterrains plus viscéraux.

Si les ventres ne sont pas ouverts il s'en faut de peu et les yeux se mangeraient bien vite dans des assiettes. Preuve que Qureschi n'a rien d'un ascète littéraire. Il ose des scènes qui ne sont pas loin de l'enfer. Ses vignettes ne cessent de la rappeler. Et si nos sociétés sont censés n'avoir plus de gras (pour les pauvres) une graisse s'empare soudain d'une ville-monde. Peu d'issue pour la quitter.

Et l'huile de vit d'ange et d'autres sécrétions s'étend. Cela ne rendra pas les femmes légères et les hommes non plus. Kafka ici revisité sur un mode plus hard-core. Car si le cancrelat n'est pas là, le troupeau humain fait largement l'affaire.

Brefs les loustics sont pris au piège et les gardes chiourmes font le travail. Avec le coeur dans la sueur et la graisse en une danse perverse, macabre, glissante. Reste l'énergie qui déplace les lignes là où tout s'englue.

Le narrateur fait son possible pour sortir de son labyrinthe - qui est un peu le nôtre. Mais le dehors bouffe le dedans - et vice versa - et de partout suintent "phytomorphose" et autre maux là où tout le monde se tient à carreau avant de s'allonger dessus.

Jean-Paul Gavard-Perret