Cette aveuglante absence de lumière
de Tahar Ben Jelloun

critiqué par Francesco, le 20 mars 2001
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
L'enfer marocain
L'histoire de ce roman est basée sur le témoignage d'un ancien prisonnier du bagne de Tazmamart au Maroc.
Le narrateur qui parle toujours à la première personne nous raconte comment lui et ses camarades candidats sous-officiers de l'Académie Militaire ont été arrêtés pour avoir participé au coup d'état du 10 juillet 1971 contre le roi Hassan II lors d'une garden-party organisée dans sa résidence d'été.
Ce jour-là, sa vie a basculé : ils sont jugés après quelques mois d'interrogatoires et condamnés à la prison ferme ; ils avaient commencé à purger leur peine à la prison de Kenitra, une prison normale où les détenus ont le droit de circuler , de se parler et de voir la clarté du jour.
Puis deux ans après , ils sont emmenés de nuit les yeux bandés vers une destination lointaine dans un coin perdu du sud marocain où se trouve la sinistre geôle de Tazmamart.
L'auteur- narrateur nous décrit alors les conditions épouvantables de détention : cellules semblables à des tombes enfouies dans le sol , d'une très grande promiscuité et où la lumière du jour ne pénètre jamais (!!), donnant une impression de silence éternel.
Ce roman va au-delà d'un simple tableau des douleurs et souffrances terribles endurées par ces hommes durant 18 ans, car il nous montre l'importance d'avoir gardé sa dignité et ses valeurs spirituelles.
De plus, ce merveilleux conteur qu'est Tahar Ben Jelloun manie de belle façon la langue de Voltaire et mêle à son tragique récit des éléments de poésie et d'humour.
Ça prend aux tripes 7 étoiles

Comment ne pas être « pris aux tripes » en lisant ce livre. Des conditions de détention complètement inhumaines. Il faudra longtemps avant que les associations, les gouvernements s'émeuvent et fassent pression. Ceux, peu nombreux, qui auront réussi à survivre, seront libérés au bout de dix-huit ans ! Une éternité.
Inévitablement, il y a des longueurs. Plus de 250 pages pour décrire la vie dans un cachot minuscule, sans lumière, sans le moindre contact avec l'extérieur, pouvait-il en être autrement...
Une écriture puissante, un style élégant. N'oublions pas qu'il s'agit d'une histoire réelle, peu romancée, et que de telles situations existent ou ont existé.

Bernard2 - DAX - 74 ans - 20 mars 2015


Au-delà de tout - à lire absolument 10 étoiles

Ce livre est plus qu’un livre, c’est une expérience humaine. La situation décrite est tellement hors norme, limite absurde que l’on est happé, envoûté par ce temps qui s’arrête, cette lumière absente.
Et c’est la langue de Tahar Ben Jelloun qui nous dévoile par touches successives la grandeur de ces hommes qui résistent au-delà de tout.
On pense à Primo Levi, Dostoïevski, Soljenitsyne … Mais ce livre démontre que la torture peut avoir mille visages et que chaque combat est unique. Un seul point commun : la puissance de la littérature qui permet à des prisonniers de résister. Comment ne pas être saisi quand on découvre qu’un des prisonniers arrive à retrouver de mémoire les livres qu’il n'a lus qu'une seule fois (le père Goriot, les misérables, l’étranger ...) et qu’il les partage à ses compagnons jusqu’au point où ils sont eux-mêmes capables de les réciter…

LaVillatte - - 48 ans - 16 novembre 2014


Une longue nuit 8 étoiles

Suite à un coup d'état manqué contre le roi Hassan II du Maroc (en 1971), des soldats sont détenus dans la prison secrète de Tazmamart dans des conditions inhumaines : absence de lumière, espace réduit au minimum, scorpions, . Le narrateur y restera pendant 18 ans. Il développe une vie spirituelle intense qui lui permettra de conserver sa dignité et de se détacher (du moins par moment) totalement de son corps et de la souffrance physique. Un récit sombre mais écrit de manière somptueuse, non dénué de poésie et de chaleur humaine.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 1 septembre 2003


Un roman royal 9 étoiles

On a reproché à Ben Jelloun d'avoir écrit son roman trop tardivement, quand tout danger était écarté. On lui a reproché d'avoir utilisé le « Je », le « Je » d’Aziz Benedine. On lui a reproché d'avoir tergiversé sur la répartition des droits d’auteurs entre lui et Benedine. On lui a reproché.
« Cette aveuglante absence de lumière » est un roman royal, assassin. Quand la rumeur des critiques de tout acabit se sera tue, le roman de Ben Jelloun demeurera, parce que c’est un grand roman, écrit simplement, avec pudeur, sans condamnation grotesque, un roman écrit au niveau des victimes, au ras des prisons. On savait déjà que la cruauté humaine est sans limite, on redécouvre que la dignité n'est en rien fondée sur l’orgueil, mais sur le dépouillement.

Vigno - - - ans - 4 octobre 2001