Commandant
de Edoardo De Angelis, Sandro Veronesi

critiqué par Nav33, le 7 février 2024
( - 76 ans)


La note:  étoiles
De l'angoisse , de la cuisine , de l'humanité
Une histoire de sous-marin cela fascine toujours en littérature comme au cinéma. Ici on découvre pleinement les conditions de vie épouvantables au début de la deuxième guerre mondiale dans un vaisseau de la marine italienne. La dureté des conditions est rendue moins insupportable par l'aura d'un commandant d'exception , par ses qualités de marin , son intuition supérieure de guerrier , mais aussi en même temps par son humanisme. D'autres membres de l'équipage allègent également cette odyssée aux confins des profondeurs et de la mort. C'est notamment le cas du cuisinier , tant les mets italiens tiennent une place immense dans l'imagination et parfois les estomacs des marins.
Cet ensemble de paradoxes médusera des marins Flamands lors d'une improbable rencontre . Elle surprendra aussi l'amiral allemand Dönitz moins nourri des subtilités et de l'humanisme d'un esprit italien , même si ce dernier est un serviteur loyal d'un régime fasciste .

Je pense qu'il est plus intéressant de lire la préface après le roman. Celle-ci explique la motivation des auteurs pour la rédaction de ce récit dont l'écho résonne dans notre époque , pour les descendants de ce drame , comme pour ceux qui tentent d'atténuer ceux de leurs contemporains.
« … parce que nous sommes Italiens ! » 10 étoiles

Ce livre est inspiré d’une histoire vraie qui s’est passée au début de la guerre 40/45 à bord d’un sous-marin italien. Il est absolument formidable. Il n’est pas possible de raconter l’histoire parce que ce serait gâcher le plaisir de lire un suspense qui, dans ce livre, est permanent.

L’histoire est racontée par les marins : chapitre après chapitre chaque marin fait avancer l’histoire en racontant ses impressions, ses jugements, sa peur et son rôle dans le sous-marin. C’est un procédé généralement trop facile d’écrire roman, mais ici, il est parfaitement justifié : l’auteur a recueilli des documents authentiques et ça lui permet de suivre la réalité d’au plus près.

Et cette réalité est extraordinaire. Ce n’est pas seulement l’aventure de ce sous-marin qui est extraordinaire, c’est aussi la tenue de son équipage et surtout de son commandant, pour qui : « le soldat qui gagne n’est jamais aussi grand que lorsqu’il s’incline devant le soldat vaincu », et qui plus loin dira : « nous sommes en guerre mais nous ne sommes pas seulement en guerre. Nous sommes en mer. Nous sommes des hommes. Or la mer aussi a ses lois et notre condition d’hommes les siennes aussi, qu’on soit en guerre ou pas. ». Ce qui fera dire à son pire ennemi : « même si la guerre le tue, il ne mourra jamais ». C’est un genre d’homme que Saint-Exupéry aurait apprécié. Mais tous ces marins font preuve d’un héroïsme magnifique, simplement parce qu’ils font leur devoir qui est de faire la guerre, même si on déteste la guerre.
Ces guerriers sont d’abord des hommes et leur attitude dans l’adversité est vraiment exemplaire.
En fait, ce roman est beaucoup plus qu’une histoire de guerre, c’est une histoire d’hommes pour qui : « le bonheur n’est en aucun cas un but, au mieux une récompense, pour un dur travail ».

Au passage, on découvrira un humour assez incroyable dans de telles circonstances et en particulier à propos de la cuisine italienne et du plat préféré des Belges (!). On découvrira aussi l’importance des patois italiens qui permettaient aux marins de se parler librement sans qu’aucune table d’écoute n’arrive à les déchiffrer.

Ce roman est magnifique, émouvant, édifiant, à mettre dans toutes les mains.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 15 mai 2024