Le tiroir au papillon
de Elena Botchorichvili

critiqué par Libris québécis, le 7 décembre 2004
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La Géorgie après l'effondrement de l'URSS
Elena Botchorichvili est une Géorgienne qui vit à Montréal depuis 1993. Journaliste sportive, elle s’est exilée pour fuir les horreurs de la guerre civile opposant les forces géorgiennes aux Abkhazes qui constituent un peuple minoritaire désireux lui aussi d’accéder à l’indépendance. Le Tiroir au papillon, titre emprunté à une comptine de son pays, raconte l’histoire d’une famille géorgienne avec une grande économie de moyens.

Dans ce roman, les protagonistes ne portent pas de nom. Il y a Grand-Père, Père et Fils. L’auteure les lance en orbite sans présentation. Et de fil en aiguille, le lecteur parvient à démêler leur passé, leurs drames intimes, voire leurs folies qui s’étalent sur 70 ans, soit de 1920 à 1990. Au fait, il s’agit des Arechidzé qui habitent Tbilissi, la capitale de la Géorgie. Grand-Père est la figure dominante de ce clan d’ascendance noble. Sa vie est parallèle au destin de son pays. Après les heures de gloire survient le déclin. Dentiste à la retraite, Grand-Père a connu une jeunesse heureuse avec ses frères lors de ses études en France. De retour dans son pays d’origine, il fut emprisonné pour traîtrise à la suite d’une critique d’un appareil téléphonique que l’on interpréta comme un dénigrement du régime. Son séjour carcéral coïncida curieusement avec la disparition de sa femme qu’il ne revit jamais. Devenu vieux et un peu sénile, on l’obligea à la bigamie avec Deuxième Femme et Troisième Femme. De ces unions qui le perturbèrent grandement naquit quand même un fils, rêve de tout Géorgien. Vu son grand âge, il l’offrit à Père, un homme apparemment stérile, qui eut finalement un vrai fils de Mère, une juive ukrainienne qui admirait Staline.

Ce roman est une fresque miniaturisée qui retrace l’annexion de la Géorgie à l’URSS en 1921 jusqu’en 1991 alors que, d’une phrase, « Gorbatchev a découpé l’Union en morceaux, mais le cadavre a continué à se tortiller et à se contorsionner comme celui d’un serpent ». Comme le Titanic, l’empire soviétique a coulé rapidement, laissant le choix aux alliés de la fédération de sauver les débris. Le Tiroir au papillon est intéressant. Il permet de vivre dans l’atmosphère qui régnait au temps de la russification de la Géorgie. On s’instruit du quotidien de ce peuple d’avant la débandade, qui vivait en harmonie parmi les juifs et les musulmans dans des appartements beaucoup trop petits.

Le minimalisme de l’œuvre donne un caractère fantastique, mais un peu flou, aux personnages. Dans un contexte historique, il me semble préférable d’opter pour leur netteté comme ceux d’Aki Shimazaki qui, comme Elena Botchorichvili, tente, avec le minimum de mots, d’évoquer le plus possible les maux qui confrontent leur pays respectif. Ce roman n'a pas la saveur des oeuvres qui s'adressent à un public de 7 à 107 ans.