Mato Grosso
de Ian Manook

critiqué par Tistou, le 23 décembre 2023
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Monsieur Stefan du côté de la jungle
Monsieur Stefan, Stefan Zweig, lui qui vint mourir à Petropolis, au Brésil, il en est curieusement question dans ce polar ethnographique au cœur du Mato Grosso, au Brésil.
Il en est question mais n’en est absolument pas le sujet. Le sujet est très alambiqué puisqu’il est question d’un écrivain français, Haret, revenu trente ans après au Mato Grosso, sur invitation, et qui se voit contraint de revisiter son œuvre la plus célèbre, « Un roman brésilien », son autobiographie de jeunesse dans ces lieux, en la relisant et en devant se justifier de tel et tels écarts d’avec la vérité. Oui, il y a un aspect « construction d’un roman sur la base de faits de vie authentiques » et » comment on peut s’arranger avec la vérité » mais, là encore, comme pour Monsieur Stefan, ce n’est pas vraiment le sujet.
Le sujet, c’est donc le retour au Mato Grosso de l’écrivain Haret, invité sur les lieux où il a brièvement mais intensément vécu. Il pensait bien être invité en qualité de romancier, il va vite s’apercevoir que ce n’est pas tout à fait ça et que le passé l’a rattrapé. Du coup le lecteur va être confronté à la lecture en double époque ; celle romancée par lui écrite, celle corrigée par celui qui l’a fait venir. Et pas que pour de bonnes raisons !
Ca en fait une lecture prenante ; les passages sur la société brésilienne des années 70 comme des années 2010 sont intéressants, ceux sur la nature étouffante et foisonnante du Mato Grosso aussi. Mais laisse une impression d’indigestion, de « trop d’un coup », trop de jungle, trop de sexe, trop de folies … Il est assez facile de se perdre dans l’intrigue dans la mesure où les noms des protagonistes sont changés entre les personnages réels et ceux transposés dans le « roman brésilien ».

»La forêt s’est assombrie. Elle se dresse maintenant dans un étonnant désordre immobile et coiffe l’eau encore jaune d’une haute nef émeraude que transpercent quelques rares rais de soleil. Aucun oiseau ne chante. L’homme laisse filer l’embarcation dans le sens du courant. De temps en temps un jacaré, l’œil mauvais, glisse en silence dans l’eau et disparait sous le ventre plat de notre barque. Je suis étonné d’en voir autant. Puis une bande de singes hurleurs invisibles déclenche un vacarme de train qui déraille et bondit aussitôt en bande désordonnée pour se taire à nouveau, longtemps après notre passage. Sur un bouquet de feuillages sombres, au ras de l’eau, un sucuri sournois fait mine de somnoler, enroulé dans ses anneaux verts et jaunes … »
Une lecture un poil frustrante au final, un peu comme si Ian Manook s’était laissé débordé par son sujet – le Mato Grosso. Il me semble qu’il s’en était mieux tiré avec la série « Yeruldelgger », consacrée à la Mongolie ainsi qu’avec les romans consacrés à l’Islande ; « Heimaey » et « Askja ».