Dernier couteau de Jean-Pierre Milovanoff

Dernier couteau de Jean-Pierre Milovanoff

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Sahkti, le 6 décembre 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 4 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (57 663ème position).
Visites : 2 699  (depuis Novembre 2007)

Perdre son emploi et ses illusions

"Isidore savourait les promesses de ce futur proche. Il avait cinquante et un ans. Onze mois plus tôt, la perte de son emploi l'avait délivré de la menace d'être remplacé à son poste par un plus jeune. À présent le pire était accompli et n'était donc plus à craindre."

De Milovanoff, j’avais apprécié "La mélancolie des Innocents", un récit drôle et tendre .
Dernier couteau est un récit dur, abordant quelques thèmes délicats, toujours avec cette subtilité si chère à Milovanoff.
Il est question ici d’Isidore Ramblin, ouvrier cinquantenaire licencié, évitant ainsi "la menace d’être remplacé à son poste par un plus jeune" qui l’effrayait tant. Délocalisation lui a-t-on dit.
Isidore ne dit jamais rien, il encaisse tout, ne se plaint pas, on passe à côté de lui sans le voir, il partage tout ce qu’il a, se débrouille tout seul et ne demande jamais rien à personne, c’est un homme qui n’a pas vraiment de chance et se contente de peu. Comme du retour du printemps "parce que la ville lui offrirait plus volontiers, les robes courtes des femmes (…) mille occasions, préparées ou imprévues, de découvrir sous les étoffes parcimonieuses la chair inaccessible et douce que l'hiver garde en réserve dans ses pelisses". Isidore a appris à se taire enfant, quand il observait sa mère rester muette alors que père la battait à coups de ceinture. C’est d’ailleurs cette violence qui attira, un jour son regard vers une jeune femme au visage tuméfié qui attendait le bus. Une femme qu’il voyait tous les jours sans lui parler, qu’il découvre battue, il l’aborde, ils s’aiment, se quittent, se retrouvent, se séparent à nouveau (avec un coup de poignard dans le cœur d’Isidore, la belle part retrouver son tortionnaire…)

Voilà Isidore viré. Avec quelques économies en poche. Il décide d’assister à la feria de Nîmes (le récit se déroule là-bas), s’offre un chapeau un brin ridicule, mais la vendeuse, très bonne commerçante, lui a juré que non, alors il l’a acheté. A vrai dire, en perdant son job, Isidore a aussi perdu une bonne partie de sa fierté, toute humble fut-elle. Petit à petit Isidore perd pied, ses repères s’effacent, les idées sombres l’envahissent, il se déconnecte du monde et de la société. Clochard dans sa tête. Cela se termine à l’hôpital. Amanda, la psy attitrée, va s’attacher à son patient, l’emmener dans la belle villa de son amant pour qu’il retrouve, même un peu, goût à la vie. L’amant est un riche financier, Isidore un chômeur désillusionné. Entre les deux, ça colle plutôt bien, même si le bonheur leur fait cruellement défaut.

L’histoire d’Isidore, c’est celle d’un monde en total décalage avec la société et les humains qui la composent, une monde figé par les machines et le calcul qui oublie qu’en chacun de nous, il y a un esprit qui ressent des choses, qui ne sert pas seulement à réfléchir mais aussi à souffrir. Tout au long du récit, Milovanoff creuse admirablement ce fossé qui existe entre la société globale et l’être individuel, entre un monde qui nous accueille et se révèle pourtant être inadapté. Cependant, je suis restée sur ma faim, non pas que l’intrigue faisait défaut (Isidore vaut bien une histoire à lui tout seul), mais ça manquait de leçon, de coup de sang, de cri de colère. C’est comme un fleuve qui coulerait tranquillement, charriant son lot de détresse humaine sous l’œil indifférent de la Terre qui inlassablement tourne et tourne encore. Mais après tout, n’est-ce pas ainsi que ça se passe ?

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Vraiment pas une pointe

1 étoiles

Critique de Lamanus (Bergerac, Inscrit le 27 janvier 2005, 65 ans) - 28 janvier 2005

Le Dernier couteau de Jean-Pierre Milovanoff n’aiguise pas les appétits en matière de création littéraire. Le tout, loin d’être saignant, aurait une fâcheuse tendance à nous hacher menu menu. Voici dix raisons de s’abstenir de le lire.

1) Construit comme une œuvre d’horlogerie à qui on aurait oublié le remontoir. Ça brille, ça en jette, c’est du taillé aux petits oignons mais ça ne fonctionne pas. Ça tourne en rond, ça file le tournis. Ça ne sonne pas les heures, ni les quarts d’heures. On rate le train et on reste à quai.

2) À propos de gare… un roman de gare, à lire entre deux correspondances. Inutile de se creuser la tête pour retrouver le fil de l’histoire… parce qu’on s’en balance. Prévoir un voyage de moins d’une heure, le temps qu’il faut pour s’ennuyer à lire Dernier couteau.

3) J-P Milovanoff est un véritable écrivain. Un écrivain du Dix-neuvième siècle. Sujet verbe, adjectif, COD. Une bonne petite rédaction. Même si parfois il glisse pour faire jeun’s des mots tel que pipe, dans le sens de gâterie. Ce sont les seuls instants où il nous surprend. Et ça sonne tellement faux, qu’on en a les tympans meurtris.

4) La seule trouvaille : les trois plans de la narration. Premier plan l’histoire d’Isidore (le meilleur, et de loin) avec par ci par là des je malvenus du narrateur. Deuxième plan : le narrateur, riche, beau, cool, amoureux, troublé, collectionneur ; bref tout un tas de clichetons bien sentis. Troisième plan : Gabrielle, la trouble, l’inexplicable, la sensuelle… on s’englue dans le sucre et le mélo. HELP !

5) Il faut compatir. Écrire une critique sur ce roman est un vrai travail de force, pénible, fatigant, qui ne valorise pas. À peine au cinquième point et je sèche. Impossible de se rattraper au roman, la planche est pourrie. Il n’y a quasiment rien à en dire. C’est mauvais dans le sens de la création, il n’y a rien, le néant, le trou noir, nada. C’est bon pour ce qui concerne l’architecture. Un excellent cours magistral, un tantinet barbant, une notice, un manuel de savoir-faire à l’usage des apprentis écrivaillons. Un roman mathématique : (a + b)² = a² + 2ab + b². Introduction, développement, conclusion. S’est pas foulé le J-P. Bon, faut retourner à la mine.

6) Le bandeau est très joli. Il s’agit du tableau de René Magritte, Le bouquet tout fait (1956). Il est large et prend à peu près la moitié du livre. Sur la 4ième de couv., l’auteur nous explique le pourquoi du comment il a écrit ce livre, des fois qu’on aurait arrêté nos études après le CP. Dans la colonne de gauche, l’éditeur retrace brièvement la carrière de l’auteur, ses médailles, son œuvre.

7 & 8 (histoire de raccourcir le pensum)) Résumé de l’intrigue : Isidore aime Gabrielle depuis toujours mais rencontre Rosa puis retrouve Gabrielle et son fils puis a un moment d’égarement et brutalise le fiston, un tour de passe-passe et il se retrouve chez le narrateur qui aime Amanda mais va s’éprendre de Gabrielle que son mari bat mais qu’elle va retrouver à la fin en quittant Isidore et le narrateur qui lui a rompu avec Amanda, le tout à Nîmes pendant la féria. Olé ! Un vrai soap-tv brésilien.

9) Le prix : 18 euros. Chez Grasset on ne fait pas dans le chip. Ce qui nous fait la page écrit gros sur du papier de moyenne qualité à environ 0,07777 euro. Détails techniques qui intéresseront les pinailleurs. La couverture est jaune poussin comme d’habitude, était-il nécessaire de le noter ?

10 (enfin)) Il y a tant de bons livres à lire qu’on peut faire l’impasse sur celui-ci. Ou bien l’emprunter à la bibliothèque pour faire des économies, mais l’acheter serait faire preuve d’une atteinte compulsive du comportement. Mieux vaut alors se ruer sur un bon sandwich au jambon bio. C’est plus nourrissant.

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