Le Divin Scénario
de Jacky Beneteaud (Scénario), Fabrizio Dori (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 28 novembre 2023
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Un ange passe et trépasse…
Après la très belle révélation du « Dieu vagabond » en 2019, Fabrizio Dori nous propose avec ce « Divin Scénario », paru l’an dernier, une nouvelle relecture des mythes antiques. Et là, on ne va pas se mentir, la déception est lourde. Autant on avait été charmé par les pérégrinations du satyre Eustis, autant on se doit de reconnaître que ce nouveau scénario qui, s’il est peut-être « divin », n’a assurément rien de diabolique. Malgré les quelques maladresses dans le trait sur son premier opus, on avait apprécié la candeur du propos, on avait été émerveillé par la chatoyance des couleurs et impressionné par l’érudition de l’auteur qui avait parsemé son récit de maintes références mythologiques.

Quant à l’ouvrage dont il est question, le pitch est pourtant loin d’être dénué d’intérêt et l’histoire commençait plutôt bien. Dans un registre pour le moins décalé, les auteurs nous embarquent dans le sillage ailé de l’ange Gabriel, qui comme chacun sait, avait été mandaté par Dieu pour rechercher sur Terre la femme qui lui donnerait un fils. Las, l’opération du Saint Esprit ne va pas se dérouler comme prévu, alors que le GPS de son portable n’en fait qu’à sa tête. Gabriel va devoir parcourir tous les continents, à toutes les époques, dans l’espoir de trouver la sainte matrice. Cette quête fournira l’occasion à Gabriel de rencontrer des femmes légendaires et autres icônes terrestres : Charybde (à moins que ne soit Scylla), Shéhérazade, Guenièvre jusqu’à Marylin, en passant par Madame Bovary… mais de Marie, point ! Ça ne serait rien si notre archange n’était pas dérangé régulièrement par son portable (Saint-Luc a besoin d’un debrief régulier pour tenir le « vieux » informé), qui plus est toujours au moment où il est en train de conter fleurette à ces dames…

Mais cette introduction paraîtrait déjà presque trop longue eu égard au découragement qui a saisi l’auteur de ces lignes au fil de la lecture. Car si la trame est simplissime, les fioritures textuelles qui viennent s’y greffer ne font qu’alourdir le récit, réduisant à néant toute lisibilité. C’est extrêmement bavard, souvent abscons, avec de grands écarts stylistiques (entre poème médiéval et français parlé d’aujourd’hui, un chouilla populaire mais pas trop hein !…) à vous donner le torticolis. Au final, on finit par se foutre totalement du sort de Gabriel, dût-il atterrir en enfer… Et lorsqu’on se réveille, on ne comprend pas tout de suite pourquoi on a le front posé sur le livre ouvert. Il ne faudra pas davantage compter sur l’humour pataud et lourdingue pour sauver la mise.

Bref, nous avons ici une véritable catastrophe éditoriale, encore plus surprenante de la part d’Actes Sud, qui n’aura peut-être retenu comme seule critère l’étalage éruditionnel. Le seul à faire le taf est Fabrizio Dori, artiste certes talentueux, mais la beauté de ses planches tend malheureusement à s’effriter devant le profond ennui (pour ne pas dire le malaise) suscité par le récit. Enfer, damnation et paradis perdu, quel dommage !