Le Malaisant
de Natacha Sztabowicz

critiqué par Débézed, le 20 novembre 2023
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Raconter pour pardonner
Jacob va mal. Jacob déprime. Jacob ne se soigne plus, il a cessé de prendre ses médicaments. Jacob s’ en va, il quitte la maison, « Bon, bah j’y vais ». Mais, Jacob ne rentre pas, son épouse, la narratrice, commence à s’inquiéter, elle le cherche en vain… Jusqu’à ce que la police sonne à la porte porteuse d’une bien mauvaise nouvelle : Jacob est décédé, Jacob s’est sonné la mort. Son épouse s’effondre : ce n’est pas vrai … Ce n’est pas possible… Hélas si !

Après toutes les formalités d’usage, Natacha, puisque cette histoire est vraie je donnerai à la narratrice le nom qu’elle affiche sur la couverture de son récit, débute son deuil et sa reconstruction. Elle s’adresse directement à Jacob, elle le tutoie, tout le récit est construit sur ce tu souvent interrogatif : « tu te souviens … ? ». Elle retrace sa vie, celle d’avant Jacob, celle avec Jacob avant d’envisager celle d’après. Elle lui rappelle tous leurs bons moments, tout ce qu’ils ont construits ensemble malgré quelques difficultés passagères, quelque séparations éphémères… Mais, elle raconte surtout ses moments de crise au cours desquels il la frappait, elle et les enfants, avec une grande violence. Comme de nombreuses femmes battues, elle n’a jamais voulu porter plaintes, elle l’aimait trop et l’aimera toujours malgré tout ce qu’il lui a fait subir à elle et à ses enfants. Son fils trouvera refuge dans la drogue et sa fille souffrira beaucoup de voir sa mère subir sans se rebeller réellement.

L’éditeur présente ce livre comme un requiem moi, je le vois aussi comme une thérapie pour comprendre, oublier avant de tourner la page, d’envisager une autre vie. Jacob n’était pas un méchant, un malfaisant, un monstre, il était un malade, bipolarité, schizophrénie ? qui n’acceptait pas sa maladie et qui ne se soignait plus au risque de devenir le monstre qu’il n’était pas avant sa maladie. Dans ce texte d’une grande émotion qui m’a un peu bouleversé, Natacha écrit comme dans la précipitation, la peur de ne pas tout dire, la crainte de mal dire, des mots qui se bousculent dans des phrases courtes, vives, incisives, émouvantes, qui se tamponnent comme les coups de Jacob se succédaient à un rythme infernal. Elle dit l’amour, la frustration, la nostalgie, la douleur, la violence et la tendresse qui alternent. Ce texte dégage surtout une formidable résilience, un amour démesuré, pour accepter l’autre comme il était, oublier le mauvais pour ne garder que le bon.

Après deux mariages, trois enfants et deux séparations dont une par la mort, Natacha écrit, confie, confesse tout ce qu’elle a vécu pour se construire un avenir pour elle et ses enfants.

« Pardonner pour cesser d‘être victime » !