Cyclope ou Le livre de la mort et de la merde
de Catherine Dessalles

critiqué par JPGP, le 28 octobre 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Catherine Dessales et les corps
Sous-titré « Le livre de la mort et de la merde », ce livre est un chant macabre, un cri d’amour. Depuis l’auteure s’est tue comme s’il n’y avait plus rien à dire, à ajouter. De ce livre les lecteurs reçoivent les bourrasques sur la terrasse d’un bar du Désespoir. Un désintérêt vital s’est emparé de l’auteure. Ne reste que des larmes. Le corps lui même bien en avers de l’âme ne cherche plus sa source et se voue à l’inconnaissable. Voilà comment la vie recule et pourquoi l’auteure ne bouge pas. Elle ne demande aucune grâce, se dédie à sa souffrance. L’imaginaire ne suit plus son cours. « Love in vain » chantaient les Rolling Stones. Et ensuite silence dans le silence. La traversée des épreuves ne laisse pas indemne. On peut en mourir. Aussi.

Rien ne sert de courir là où jusqu’à la nostalgie n’a plus de prise sur l’auteure. La tête s’ouvre moins à une absence de pensée que sa matière même. Pensée de merde pour ainsi dire. Quand on est dedans ça paraît interminable. Et l’écriture ouvre encore les vannes à coup de forceps. Ce qu'il y a à entendre c'est le dire de l’impensable. Pas besoin d’épiloguer. Ne subsiste que l’aspiration du néant qui entraîne l’épreuve du temps. Reste à aller vers l'extinction des mots, pas à pas, peu à peu. La langue défaite retourne à sa boue, se referme. Avant : heure après heure se rappeler. Comment c'était. Avant. Jusqu'à ce que finalement assez. Tenir là. Se dépouiller. Des corps : celui du disparu, celui de celle qui reste. Le premier étant présent en toutes choses, le silence est son dé-lié. Ainsi peut-il se dire absolu. Il accompagne celle qui veille vers le couchant. Il sait finalement sur elle infiniment plus qu’elle peut en connaître. Il est fermé par les sept sceaux de l’Apocalypse dont personne n’est le gardien. L’excès de parole n’est jamais qu’une révolte contre le détachement du silence.

Jean-Paul Gavard-Perret