Rouge Poitrine
de Stéphanie Quérité

critiqué par Débézed, le 30 septembre 2023
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
S'envoler ailleurs comme un oiseau
Même si Les Carnets du dessert de lune ont émigré en Normandie, ils n’ont en rien perdu du flair qui les caractérisait quand ils sévissaient en Belgique. J’en veux pour simple preuve, le recueil que je viens de lire, des poèmes de Stéphanie Quérité que je ne connaissais pas encore. Cette auteure (autrice est vraiment trop laid), mère de famille séparée de son mari, a connu un moment de solitude pendant le confinement imposé par et les autorités pour réponde à l’agression de la Covid. Elle avait pour seule compagnie des oiseaux sur le rebord de sa fenêtre, des oiseaux au poitrail rouge, des rouges-gorges. « … en néerlandais Rouge-gorge / se disait Roodborstje / ce qu’il serait plus juste / de l’appeler Rouge-poitrine ».

Les oiseaux l’ont souvent accompagnée dans ses relations avec les hommes, elle les met en scène dans ce recueil pour raconter une histoire d’amour, la sienne peut-être… ? « J’ai la sensation d’être enroulée d’oiseaux qui m’appellent à eux. Et moi, empêchée d’en devenir un par les murs de mon foyer ». En cas de rupture, les enfants sont souvent un obstacle pour que les conjoints dégagés de leur engagement retrouvent leur liberté désirée.

Dans ces poèmes, peut-être un seul et long poème en forme d’épopée amoureuse, sensuelle et même charnelle, Stéphanie évoque le destin d’un couple ayant perdu l’élan qui poussait les conjoints dans les bras l’un de l’autre. « Nous avions perdu le geste / de la prise de risque. / Nous avions perdu l’élan / du dire ce qui est / lorsque que ce qui est / est … ». L’usure qui provoque la rupture, la rupture qui impose la solitude, « J’avais perdu la sensation / d’être habitée ». C’est à e moment qu’un rouge-gorge s’est fracassé contre une fenêtre et que l’héroïne a compris qu’il fallait qu’elle se ressaisisse. Cette nouvelle vie est inspirée par un autre oiseau : le héron. « Ca commencerait par là / ça pourrait / commencer par sa voix / sa voix à elle qui dirait / … » qui dirait « Ca commence comme ça … » mais c’est lui qui dirait… Et, à travers ce long poème, Stéphanie raconte dans une métaphore évoquant le oiseaux la vie de son couple qui peu à peu se délite, une vie qui s’est brisée, une vie qui lui laisse quelques regrets même si elle ne pourrait plus partager sa vie avec un autre. « Je ne pourrais plus jamais donner / un seul m² de mon habitat à un autre que moi ».

Dans ce poème Stéphanie utilise des répétitions, des assonances, des sonorités qui donnent encore plus de rythme et de force à son texte. Ce texte qui m’a aspiré comme pour que je lise plus vite, avec plus de conviction, ce joli poème sur fond de couple en décomposition. Comme un déboire, une déception, qui laisse des stigmates indélébiles.

« Sortir et pleurer. / Prendre la mesure de ce que le corps a traversé. / Pleurer / Se laisser submerger / des vagues d’avant . de tous ces hommes d’avant / qui reviennent m’englober / qui reviennent avec leur peur au ventre / et me tenir par là /… ».