Le Noël d'Auggie Wren
de Paul Auster

critiqué par Fee carabine, le 17 novembre 2004
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Une perle pour le sapin
D'abord, il y a l'histoire. "Paul", un écrivain vivant à Brooklyn, a promis de livrer un conte de Noël, pour publication dans le "New York Times" le 25 décembre. Et il le regrette amèrement... Jugez plutôt: "The very phrase "Christmas Story" had unpleasant associations for me, evoking dreadful outpourings of hypocritical mush and treacle. Even at their best, Christmas stories are no more than wishfulfillment dreams, fairy tales for adults, and I'd be damned if I'd ever allowed myself to write something like that." Soit, dans un traduction approximative, de mon cru: "Les seuls mots de "Conte de Noël" éveillent en moi des sensations déplaisantes, évoquant des épanchements pénibles, hypocrites, d'eau de rose et de mélasse. Au mieux, les contes de Noël ne sont que des souhaits de voir des rêves devenir réalité, des contes de fée pour adultes, et que je sois damné si je me laisse jamais aller à écrire une chose pareille." Compte tenu de cet état d'esprit, vous devinez que Paul se retrouve très vite en "panne" d'inspiration et de surcroit tourmenté par le fantôme de Dickens et de ses livres de Noël. En désespoir de cause, Paul se décide donc à aller prendre l'air, renouveler son stock de cigares dans la petite boutique de son ami Auggie Wren, que sans doute il n'est plus nécessaire de présenter à tous ceux qui ont vu ou lu le diptyque de Paul Auster et Wayne Wang - "Smoke" et "Blue in the face", où Auggie Wren prenait les traits d'Harvey Keitel. Et Auggie Wren de raconter à Paul un conte de Noël "véridique"... mais toutes les histoires ne deviennent-elles pas peu ou prou véridiques dès qu'il se trouve quelqu'un pour croire en elles? Paul Auster - ou Auggie Wren - tient donc ici la gageure de nous livrer un conte de Noël qui ne dégouline pas de bons sentiments, un conte un peu immoral en fait, mais qui rayonne pourtant d'optimisme et de cet indéfinissable esprit de Noël qui fait qu'on a le sourire aux lèvres au moment de refermer ce livre.

Et puis, il y a l'objet, une reliure de toile rouge, une couverture dans des dominantes de rouge et de vert - les couleurs de Noël - adoucies de bleu, de gris et de beige. Et lorsqu'on ouvre le livre, l'odeur de l'encre, un peu entêtante (une odeur d'huile de lin ?), le papier blanc très brillant... Et surtout les superbes illustrations d'Isol, délicieusement absurdes, avec leurs personnages aux têtes énormes et rondouillardes - évoquant les traditionnels bonhommes de pain d'épice, leurs décors de maisons de poupées et de boîtes de biscuits, et une irrésistible caricature de "Paul" trônant sur une touche du clavier de sa machine à écrire, se grattant le crâne en attendant une improbable étincelle d'inspiration.

Bref, c'est une vraie petite merveille que la nouvelle édition Américaine de "Auggie Wren's Christmas Story" chez Henry Holt, un cadeau bien de saison à offrir ou à s'offrir. Et puis, c'est l'occasion rêvée pour ceux qui lisent peu l'Anglais de franchir le pas, avec ce texte court, écrit dans un style simple même si la petite musique austérienne y est bien reconnaissable. Et pour ceux qui préfèrent s'en tenir à la version française, "Le Noël d'Auggie Wren" est paru chez Actes Sud dans une traduction française de Christine Le Boeuf et avec des illustrations de Jean Claverie (bien différentes de celles d'Isol, à en juger d'après la photo de couverture) (ISBN 2742719350).
lu en une nuit 10 étoiles

un livre fort et touchant, du Paul Auster comme je l'aime, j'ai dévoré "le noël" en une nuit! un livre qui parlera à ceux qui redoutent "l'esprit de noël". CHAPEAU§

Tbrouillon - - 42 ans - 28 août 2013


Bon, moi je l'ai lu en français ... 9 étoiles

Plus par un concours de circonstances ... J'ai eu cette édition entre les mains et plus voulu le lâcher (mais j'envisage de me procurer l'édition originale, n'empêche ... ).

Bref ...

C'est du Paul Auster, du bon, du brut, du j'en-veux-encore ! Son narrateur reçoit la commande du Times pour qu'il écrive un conte de Noël à paraître le matin du 25 décembre. Et lui qui vomit cette dégoulinade de bon sentiments mielleux et surfaits, qui pense que Dickens et O'Henry ont déjà tout écrit à ce sujet. Il confie donc ses déboires à son nouvel ami, Auggie Wren, qui travaille au comptoir chez un marchand de cigares. Alors, Auggie va lui raconter l'histoire de Robert Goodwin, voleur de bas étage, qui perd son portefeuille après avoir été surpris à l'action. Le jour de Noël, Auggie va prendre l'initiative de se rendre chez Goodwin et de là il va rencontrer une grand-mère étonnante.
C'est une histoire très courte, écrite avec des mots simples et qui reflète bien l'atmosphère d'Auster. L'écrivain nous donne un sempiternel rendez-vous à New-York, sa ville fétiche. Il raconte une histoire de Noël à sa façon, sans aucune mièvrerie, sans en mettre une couche énorme de bons sentiments judéo-chrétiens, sans surfaire ni défaire cet esprit de Noël non plus. Cette édition est illustrée du travail de Jean Claverie qui s'est basé sur le reportage photographique de son fils pour dessiner Brooklyn. Le résultat donne des illustrations dans les tons beige, marron, jaune, noir, les traits, expressions ou les lieux paraissent parfois terriblement réalistes. L'esprit Auster mêlé à la patte aérienne de Claverie nous donne un album, destiné à la jeunesse initialement, accessible pour tous !

Clarabel - - 48 ans - 3 décembre 2004